Les robots n’ont pour l’instant qu’une apparition timide dans la gestion d’actifs et suscitent encore de la méfiance. Mais dans ce jeu d’échec d’un autre genre, ils pourraient bien finir par avoir, là aussi, le dernier mot… Une chronique de Bertrand Jacquillat, membre du Cercle des économistes.
La gestion de l’épargne investie en actions a connu de profondes transformations depuis cinquante ans tant au niveau de l’écosystème des marchés financiers qu’au niveau de la gestion des portefeuilles, avec l’irruption des méthodes quantitatives.
Ces évolutions ont provoqué une immense baisse des coûts de gestion et de transaction qui affecte aussi bien la gestion active que la gestion passive, la première cherchant à sur performe un indice de référence, la deuxième à le dupliquer.
Ces transformations ne sont cependant pas arrivées à leur terme, et les robots n’ont fait pour l’instant qu’une apparition timide. La généralisation des algorithmes utilisés notamment dans la gestion active de portefeuilles préfigure leur arrivée. Mais pour beaucoup, leur utilité demeure mystérieuse. Le coté impénétrable des algorithmes a abouti à ce paradoxe : malgré leurs raisonnements approximatifs et leurs jugements parfois erronés, les êtres humains jouissent d’un socle de confiance indubitable, alors même que les algorithmes sont considérés avec la plus grande méfiance. Il convient donc tout d’abord de préciser ce qu’est un algorithme. Les instructions inscrites dans le mode d’emploi d’une machine à laver représentent un algorithme. Certes les algorithmes utilisés par les analystes financiers et les investisseurs dont le style de gestion est la gestion active sont beaucoup plus complexes que ces simples instructions.
Mais fondamentalement les deux procèdent de la même logique, ce sont des instructions à suivre à la lettre pour accomplir une tâche. Dans maintes circonstances, les êtres humains, investisseurs et analystes financiers, accomplissent les mêmes tâches que les algorithmes mais de manière plus lente et plus imprécise.
Ni stress, ni fatigue pour les algorithmes
Il n’empêche qu’il existe des différences entre les deux. La première est que les êtres humains se fatiguent alors que, les algorithmes ne connaissant ni stress ni fatigue ni émotions. Ils exécutent les instructions qu’on leur a données sans biais, sans l’exubérance irrationnelle des individus qui traduit leur trop grande confiance et sans la peur qui amplifie leur aversion au risque. Les individus font en effet les mêmes erreurs cognitives si bien décrites dans les travaux de psychologie comportementale des Kahneman, Tversky et Thaler, prix Nobel d’économie.
L’autre différence tient à la fois à la grande multiplicité des signaux et des critères financiers et non-financiers à prendre en compte pour estimer la valeur d’une action pour la comparer ensuite à son cours, et à leur évolution au cours du temps, que seules des instructions algorithmiques peuvent raisonnablement appréhender.
En fin de compte on peut dresser un parallèle entre l’opposition analyste/algorithme en Bourse et celle entre grand maître/ordinateur au jeu d’échec où ce dernier a fini par dominer le grand maître.