Mercredi 18 septembre, La Fed a annoncé sa première baisse des taux depuis 2020, les réduisant d’un demi-point. La semaine précédente, la BCE avait baissé ses taux pour la deuxième fois en trois mois. Pour Jean-Paul Pollin, ces baisses qui ont été bien accueillies posent encore quelques questions
Au cours de ces derniers mois les marchés financiers ont vécu en s’interrogeant sur les intentions des banques centrales quant à la fixation de leurs taux directeurs. Les décisions de la BCE et de la FED, prises à quelques jours d’intervalle, semblent les avoir satisfaits, avec toutefois un surcroit de volatilité qui traduit des incertitudes sur l’interprétation de ces décisions et sur la suite qui leur sera donnée.
Il est vrai que ces baisses avaient été largement anticipées, mais leurs justifications laissaient, et laissent encore, subsister quelques ambiguïtés. Sans doute la baisse des taux d’inflation (à 2,2% en zone euro et 2,5% aux Etats unis) jouait clairement dans le sens d’un assouplissement, puisqu’il signait un retour à la cible des banques centrales. Mais on sait que cette baisse est largement due à une diminution des prix des matières premières et particulièrement de l’énergie. Alors que l‘inflation sous-jacente continue à augmenter de 3,2 et 3,8% dans l’un et l’autre cas. Or, c’est cet indicateur qui capte l’évolution du conflit de répartition (de la spirale salaires/profits) dont dépend la dérive des prix à moyen terme.
En fait, c’est l’affaissement observé et/ou anticipé de l’activité qui justifie le mieux les ajustements récents des taux des deux banques centrales. Toutes deux ont d’ailleurs abaissé leurs prévisions de croissance pour les mois et les deux ou trois ans à venir. De plus, elles ont dû faite face durant ces derniers temps aux critiques acerbes de lobbies (en particulier celui de la filière de l’immobilier) leur reprochant de favoriser la montée du chômage et de préparer un atterrissage douloureux de l’économie. Mais il est douteux que ces phénomènes soient de la responsabilité et puissent être résolus par l’action des politiques monétaires.
Ce n’est évidemment pas une diminution de 25 ou 50 points de base qui va pouvoir corriger cette trajectoire. C’est, du reste, pourquoi les autorités monétaires ont promis de nouvelles baisses dans les mois futurs. Mais jusqu’à quel niveau faudra-t-il descendre ? Et, en définitive, les politiques actuelles sont elles aussi restrictives que l’on veut bien le dire ?
Quelle distance à l’équilibre ?
Calculer le taux d’intérêt d’équilibre (le taux réel neutre de long terme), censé assurer l’égalisation de l’épargne et de l’investissement, est un exercice difficile et fort discutable. On peut cependant l’approximer en se référant au taux de croissance prévu de la productivité ou du PIB à long terme. Ce qui conduit à l’estimer, dans l’état actuel de prévisions, aux alentours de 1% pour la zone euro et de 2% pour les US. En admettant que les banques centrales conservent leur objectif de 2% d’inflation, ce qui peut être aussi discuté, on aboutit à un taux d’intérêt nominal d’équilibre de 3% pour la zone euro et de 4% pour les US. Or, les taux souverains à 10 ans sont actuellement légèrement inférieurs à 3% dans le grands pays de la zone euro (sauf en Italie) et ils sont inférieurs à 4% aux US. Si l’on se réfère aux taux de long terme, qui gouvernent les décisions d’investissements, les politiques monétaires actuelles ne sont donc nullement restrictives. Tandis que la distance à parcourir par les taux directeurs pour atteindre l’équilibre est de l’ordre de 1%.
Ce n’est donc pas sur la réorientation des politiques monétaires que l’on peut compter pour corriger les déficits de croissance et les excès de chômage, ni pour alléger les charges des endettements ou faire face aux besoins massifs de financement des investissements qui se présentent. Vouloir en revenir à la période des taux réels nuls ou négatifs qui a suivi la crise financière de 2008 serait dangereux. Ne serait-ce que parce que des taux négatifs conduisent à une inefficience des choix d’investissements et favorisent la survie d’entreprises « zombies » ; mais aussi parce que la mobilisation de l’épargne nécessitera qu’on la rémunère pour ne pas dépendre d’un illusoire « excédent mondial ».