Depuis 2017, les marchés financiers se montrent particulièrement volatils, et la tendance devrait se poursuivre en 2019. Pourquoi les hausses succèdent ainsi aux baisses, et inversement, dans de tels laps de temps ? Patrick Artus analyse les différentes raisons objectives des phases d’enthousiasmes et de déprime des investisseurs.
Quand on regarde l’évolution des indices boursiers dans la période récente, on observe une forte progression du début de 2017 au début de 2018, puis un recul au 1er trimestre 2018 ; un redressement jusqu’à la fin de l’été 2018, puis une chute de l’été 2018 à la fin de l’année 2018 ; le début d’une amélioration en janvier 2019. La valorisation des actions américaines (par exemple), le PER sur les résultats de l’année suivante sur le S&P passe de 17,2 au début de 2017 à 20,1 à la fin de 2017 ; il tombe à 16,5 au printemps 2018, remonte à 18,3 à l’été 2018, avant de s’effondrer à 14,2 à la fin de l’année 2018 et de revenir à 15,5 au milieu de 2019.
On voit donc une variabilité impressionnante de la valorisation des actions et des cours boursiers ; elle peut avoir des effets très négatifs, en décourageant les investisseurs de détenir des actions cotées, donc en contribuant à la désaffection pour les actions et à la contraction de l’usage des actions cotées pour financer l’économie.
Peut-on comprendre ces variabilités considérables des indices boursiers, cette alternance de période d’euphorie et de périodes de dépression sur les marchés d’actions ?
Nous voyons quatre explications.
La première est que les marchés d’actions ont été soutenus à la fin de 2017 et au début de 2018 par l’annonce de la baisse de la taxation des profits et de l’incitation à rapatrier les profits détenus à l’étranger aux Etats-Unis. Ces mesures ont accru la profitabilité des entreprises américaines et ont conduit à des rachats d’actions considérables aux Etats-Unis (1000 milliards de dollars en 2018), ce qui a soutenu les cours boursiers quand ces mesures ont été annoncées. Mais il s’agit de mesures efficaces une seule fois, non répétables, qui ne poussent à la hausse que transitoirement les indices boursiers.
La seconde explication est la réelle incertitude qui existe sur les perspectives de croissance et de taux d’intérêt. Normalement, à la fin d’une période d’expansion, il apparaît une récession ; mais aujourd’hui, il semblerait qu’on s’oriente plutôt vers un scénario de soft landing, de passage à une croissance régulière un peu plus faible, aucun des mécanismes qui déclenchent usuellement une récession (inflation, bulles sur les prix des actifs, recul de la profitabilité des entreprises, hausse des taux de défaut des ménages et des entreprises) n’étant présent.
Les investisseurs peuvent cependant douter de la pertinence du scénario de soft landing, et périodiquement revenir à un scénario de récession. De plus, l’incertitude a concerné aussi la politique monétaire, en particulier aux Etats-Unis : en janvier 2017, les investisseurs pensent que la Réserve Fédérale va monter le taux d’intérêt des Fed Funds à 2% à la fin de 2019 ; en août 2017, c’est 1,75% ; en octobre 2018, c’est 3,25%, et enfin en janvier 2019, c’est 2,50%. L’oscillation des anticipations de croissance et de taux d’intérêt explique celle des indices boursiers.
La troisième explication est la présence de risques difficiles à évaluer dans leurs effets : la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le Brexit, la crise italienne, les sanctions contre la Russie, l’Iran…
La quatrième explication enfin est liée aux comportements des investisseurs : leur mimétisme amplifie les mouvements à la hausse ou à la baisse des indices boursiers, ce mimétisme résultant de l’utilisation de limite de volatilité ou de pertes, du développement des gestions passives (ETF), du trading algorithmique…
Il existe donc de nombreuses raisons (véritables incertitudes macroéconomiques, mesures transitoires de soutien des marchés, inquiétudes géopolitiques, mimétisme des investisseurs) qui aboutissent à une volatilité très forte des indices boursiers.