François Bayrou a annoncé un « conclave » des retraites consistant à réunir pendant trois mois les partenaires sociaux pour qu’ils s’accordent sur le sujet. Le premier ministre serait ouvert à toute proposition, à condition de ne pas dégrader l’équilibre financier recherché.
Selon Nathalie Chusseau, s’il est impossible d’envisager, dans le temps imparti, une réforme systémique telle qu’une réforme à points permettant une individualisation des situations, plusieurs pistes d’amélioration peuvent être envisagées
En reculant l’âge légal, la réforme de 2023 cherchait à décaler l’âge effectif de départ à la retraite afin d’assurer la soutenabilité financière du système. A la lecture des rapports du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), la réforme aurait bien pour effet de reculer l’âge de liquidation de la retraite d’environ huit mois. Toutefois, cette réforme ne permet pas de tenir compte de la réalité des carrières, en particulier pour les travailleurs exposés à la pénibilité, ceux qui ont commencé à travailler très jeunes, et les femmes, souvent confrontées à des carrières hachées en raison de congés maternité et d’interruptions liées à la parentalité.
Le recul de l’âge légal ne concerne pas les personnes entrées tardivement sur le marché du travail. En France, un individu entre en moyenne sur le marché du travail à 22,5 ans. Considérant les 43 annuités nécessaires pour avoir une retraite pleine, cet individu partira entre 65 et 66 ans, ce qui est au-delà de l’âge légal et dans la moyenne des pays de l’OCDE. Un dispositif « carrières longues » permet un départ anticipé pour tout salarié entré dans la vie active avant 21 ans, mais certains assurés devront, à terme, travailler pendant 44 ans.
En repoussant l’âge légal de 62 à 64 ans, les trimestres supplémentaires octroyés pour la naissance et l’éducation d’un enfant (huit dans le privé) deviennent moins « utiles » aux mères de famille pour prendre une retraite sans décote. Elles pourront bénéficier d’une surcote à partir de 63 ans, à raison de 1,25% d’augmentation de la retraite de base par trimestre supplémentaire dans la limite de 5%, mais ce dispositif reste limité et ne prend pas en compte toutes les situations des femmes. Pour compenser les interruptions de carrière liées à la maternité, et le travail à temps partiel, il faudrait augmenter la majoration des droits de retraite pour chaque enfant.
Afin de mieux répondre aux besoins des travailleurs exposés à des conditions de travail difficiles, il serait pertinent de réintégrer dans le dispositif de départ anticipé les critères de pénibilité qui ont été retirés en 2017 (le port de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques…), et d’élargir ainsi le nombre de métiers éligibles au dispositif.
Enfin, le recul de l’âge de liquidation de la retraite peut être obtenu via la hausse de la durée de cotisation requise pour obtenir le taux plein. Ainsi, on aurait pu augmenter la durée de cotisation de 172 à 176 trimestres. Et il serait même envisageable de revenir à un âge légal de 62 ans à condition de stimuler le taux d’emploi, notamment des seniors de 55 à 64 ans qui n’est que de 58% contre 73% aux Pays-Bas. Cela implique des engagements de la part des entreprises, ainsi qu’une réorganisation du travail pour tenir compte de l’âge et de la pénibilité.
Aussi, la mise en œuvre d’une formation tout au long de la vie, efficace et continue, demeure indispensable pour le maintien en activité. Pourtant, la formation tout au long de la vie reste sous utilisée en France, et les seniors comme les peu qualifiés en bénéficient peu.
Du point de vue financier, selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse, abroger le recul de l’âge de la retraite coûterait 3,4 milliards d’euros en 2025, et près de 16 milliards en 2032. Or, Gilbert Cette, président du COR, estime qu’avec le taux d’emploi des Pays-Bas, les recettes publiques de la France seraient supérieures à ce qu’elles sont d’au moins 140 milliards par an.
La soutenabilité de notre système de retraites ne peut être envisagée sans améliorer le fonctionnement de notre marché du travail, ce qui permettrait de revenir à un âge légal de 62 ans. L’augmentation de la durée de cotisation permettrait de réaliser la transition.