Le renforcement des mesures sanitaires et l’annonce de la mise en place du couvre-feu fragilisent les acteurs économiques déjà en difficultés. Christian Saint-Etienne propose une série de mesures pour ajuster le plan de relance et améliorer son efficacité.
Il faut comprendre un point clé concernant cette crise. La baisse de la production économique n’affecte pas tous les secteurs de la même façon : tout le monde ne baisse pas de 11%. En équivalent PIB, 20% de l’économie va croître de plus de 10%, environ 60% de l’économie va chuter d’un dixième et 20% de l’économie va être massivement restructurée ou disparaître. Des mesures uniformes, dans ce contexte, n’ont pas de sens.
Le plan de relance, à juste titre, veut favoriser la transition énergétique pour 30 milliards d’euros, les relocalisations industrielles pour 35 milliards d’euros et la cohésion sociale et territoriale pour 35 milliards d’euros. Ce plan structurel en trois volets est plutôt bien conçu mais il manque un quatrième volet qui accélère l’essor des entreprises en plein développement, préserve l’investissement des 60% de l’économie productive qui se rétracte comme le PIB, et contribue à une restructuration rapide des 20% de l’économie en perdition.
Ce volet est constitué de trois éléments :
1/ un apport en fonds propres de 70 milliards d’euros aux entreprises du secteur marchand,
2/ une mesure autorisant l’amortissement fiscal en deux ans de tous les investissements en machines et équipements, notamment les robots et le numérique, à condition d’être commandés avant le 30 juin 2021 (commande finalisée) et installés et opérationnels avant le 30 juin 2022,
3/ une distribution de bons d’achat à hauteur de 5 milliards d’euros aux familles à faible revenu.
En ce qui concerne le premier élément, l’Etat apporte 20 milliards d’euros et les compagnies d’assurance, les banques et les fonds d’investissement 50 milliards d’euros avant le 30 juin 2022 à des entreprises solvables sous forme de fonds propres et quasi-fonds propres (la moitié des 70 milliards doit être engagée avant le 30 juin 2021). L’apport de l’Etat couvre 80% des pertes des apports qui peuvent varier de 50 000 euros à 500 millions d’euros selon la nature de l’entreprise et de ses projets.
L’Etat reçoit 40% des gains générés par portefeuille d’investissements défini comme l’ensemble des investissements réalisés avec un acteur donné (banque, fond d’investissement, compagnie d’assurance) jusqu’à concurrence des pertes encourues par l’Etat sur chaque portefeuille ; au-delà, les gains sont partagés au prorata des apports. Il s’agit ainsi d’intéresser la puissance publique aux gains de cette politique. La quote-part de l’Etat de 20 milliards d’euros se traduit par un apport de 5 milliards d’euros de l’Etat à la BPI qui administre le programme avec ses équipes et celles des banques, fonds d’investissement et compagnies d’assurance.
Les 15 autres milliards sont prélevés sur les fonds du Livret A (soit moins de 5% de ces fonds) avec une garantie de l’Etat. C’est le meilleur usage social que l’on puisse faire du Livret A car ce plan d’investissements en fonds propres permettrait de consolider et créer beaucoup d’emplois, d’augmenter le taux de croissance du PIB, de multiplier le nombre de grosses PME et ETI, et de réduire à terme le déficit extérieur. Pour chaque euro en fonds propres, l’entreprise peut emprunter 0,5 euro à moyen terme, ce qui permet de réaliser plus de 100 milliards d’euros d’investissements en machines et outillage, robots et systèmes numériques avant le 30 juin 2023.