Alors même que l’hypothèse d’une « seconde vague » atypique prend de la consistance, il est plus que jamais nécessaire de penser et de préparer aussi l’avenir. La pandémie du Covid risque de déboucher sur une crise économique sans précédent même si de nombreuses incertitudes existent encore qui poussent à la modestie en matière de prévisions.
Cette crise est radicalement différente de celle de 2008. C’est une crise de l’offre et non de la demande (plus facile à relancer). Les pays émergents, durement touchés, ne pourront pas servir de relais de croissance et les mutations sectorielles que cette crise va provoquer touchent l’ensemble des industries et pas seulement la finance.
Cette crise risque de provoquer un « bain de sang » pour les petites entreprises (sans fonds propres et dans de nombreuses industries percutées par ailleurs par les effets de la numérisation).
Au niveau macroéconomique, les perspectives ne sont pas plus réjouissantes. Les gouvernements et les autorités monétaires ont, certes, réagi vite sur la plupart des fronts pour parer au plus pressé. Mais trois menaces au moins pèsent sur l’économie mondiale : une succession de bulles prêtes à éclater du fait même de la surliquidité provoquée par la réaction des autorités ; une stagflation qui a conduit au grand « décrochage » des années 70 ; et, pire encore, une baisse des gains de productivité conduisant inexorablement à une chute de la croissance potentielle donc de long terme.
Des réformes ont, certes, été menées. Le plan de 100 milliards d’euros en est un bon exemple même si on peut en critiquer certains aspects et notamment son ampleur. Mais avec ces réformes, nous sommes loin du compte. Un seul exemple : comment avec ce plan intégrer 800 000 jeunes qui vont arriver dans les semaines qui viennent sur le marché du travail ?
Les réformes ne suffisent pas. Il faut de véritables ruptures. Nous n’en citerons que six, sachant que la liste idéale est plus longue :
1/mettre en place un revenu minimal ciblé sur les populations les plus fragiles, dont les jeunes ;
2/instaurer le plus rapidement possible la retraite à 65 ans pour aider les entreprises à survivre et à investir ;
3/refondre le système de formation professionnelle, réforme qui doit remettre en cause les institutions, les formations et l’évaluation ;
4/une modification radicale des règles de contrôle prudentiel des banques (Bâle III) et des assurances (Solvency II) qui pénalisent aujourd’hui le financement des PME ;
5/une taxe carbone digne de ce nom qui peut seule permettre une véritable transition énergétique ;
6/une réforme radicale du financement des syndicats mettant à contribution l’État et les entreprises pour permettre à ceux-ci de se doter d’une expertise économique, condition sine qua non d’un syndicalisme « éclairé » et non pas simplement revendicatif.
Ces ruptures peuvent paraître abyssales. Mais les réformes ne suffisent plus. Alors, pourquoi ne pas sauter une étape et ouvrir au débat de véritables ruptures qui, seules, permettront de faire face aux défis sans précédents que nous avons à affronter ? Cette voie « révolutionnaire » nécessitera, pour réussir, une véritable concertation (avec les violences que celle-ci implique si elle est biaisée). Raison de plus pour initier celle-ci très vite.
Il reste un peu moins de 600 jours au Gouvernement pour faire cela. C’est à la fois très peu pour que tous les résultats concrets se manifestent dans la vie des français mais bien assez pour changer de cap économique de manière non purement conflictuelle. Faute de quoi…