Le gouvernement présente son plan de relance de l’économie jeudi prochain, 3 septembre. L’objectif de ce programme de 100 milliards d’euros est de retrouver dès 2022 un niveau de richesse nationale équivalent à celui d’avant la crise. Patrick Artus rappelle les grands enjeux de ce plan, de la croissance à la dette en passant par l’investissement et la transition écologique.
Tous les pays de l’OCDE, dont la France, annoncent aujourd’hui des plans de relance. Après avoir réagi à l’effondrement de l’activité au deuxième trimestre 2020, il s’agit maintenant de soutenir la reprise économique et la croissance dans une perspective de plus long terme. Comment alors construire ces plans de relance, comment juger l’efficacité de ceux qui ont été mis en place ? Nous pensons qu’il faut partir d’un constat : toutes les récessions conduisent à un recul de la croissance potentielle. La croissance potentielle était déjà faible en France avant la crise de la Covid-19 (1,2% par an) ; le risque est donc qu’elle tombe à un niveau très faible (0,5% par an ?) qui impliquerait la stagnation du niveau de vie, la difficulté à financer la protection sociale, en particulier les systèmes de retraite.
L’objectif légitime, nécessaire, du plan de relance en France est donc d’éviter le recul de la croissance potentielle en s’attaquant aux causes de ce recul. La première est la perte de capital productif, due à la chute de l’investissement des entreprises pendant la récession et aux faillites d’entreprises, qui détruisent du capital. Pour éviter la perte de capital productif, il faut soutenir l’investissement (ce qui va par exemple se faire en France par la baisse des impôts de production, les efforts de relocalisation) et éviter les faillites inutiles (ce qui se fait avec les reports d’impôts, le chômage partiel, les aides aux secteurs en difficulté, les prêts avec la garantie de l’Etat). On verra plus loin que la difficulté est d’éviter les faillites sans faire apparaître d’entreprises « zombies ».
La seconde cause du recul de la croissance potentielle est la perte de capital humain due aux récessions. Des salariés perdent leur emploi et restent longtemps au chômage, les jeunes ont des difficultés pour rentrer sur le marché du travail. Les problèmes de perte de capital humain vont être exacerbés après la crise de la Covid-19 par la déformation de la structure sectorielle des emplois due à la crise. Les secteurs d’activité qui créent des emplois (services informatiques, santé, pharmacie, distribution en ligne, services à la personne) ne demandent pas les mêmes qualifications que les secteurs d’activité en difficulté qui en détruisent (automobile, transport aérien, aéronautique, tourisme, distribution traditionnelle). Il va donc falloir requalifier des centaines de millions de salariés dont les compétences ne correspondent plus à celles demandées dans les emplois qui se créent pour qu’ils puissent retrouver un poste, ce qui est bien un problème massif de perte de capital humain.
La troisième cause du recul de la croissance potentielle est l’apparition d’entreprises « zombies » surendettées ou vivant de subventions, inefficaces, incapables de se moderniser, d’investir suffisamment. Ces entreprises ne font pas de gains de productivité et leur multiplication réduit bien la croissance potentielle. Le risque est grand de voir apparaître de nombreuses entreprises « zombies » : les opinions poussent à ce que les faillites et les pertes d’emplois soient évitées, un accroissement massif de l’endettement (plus de 20 milliards d’euros) a été contracté par les entreprises françaises depuis le début de la crise de la Covid-19.
Ceci ramène à une question fondamentale : pour éviter le recul de la croissance potentielle, il faut être capable de passer de la protection de l’emploi (empêcher les licenciements) qui ferait apparaître de nombreuses entreprises « zombies » et le maintien de l’emploi dans les secteurs d’activité durablement déprimés, à la protection de la personne, qui organise le maintien du revenu et la requalification des salariés qui perdent leur emploi dans les secteurs durablement affectés par la crise. La protection de la personne, à la différence de la protection de l’emploi, évite les entreprises « zombies », réalloue l’emploi vers les secteurs en expansion, améliore le capital humain et dynamise l’économie.
Un mot pour finir sur le rôle de la transition énergétique. Il est complexe puisque, d’une part, la transition énergétique fait partie du problème, en contribuant à la déformation sectorielle de l’économie (déclin de l’automobile, des énergies fossiles, croissance des industries liées aux énergies renouvelables) ; mais d’autre part, la transition énergétique est une partie de la solution, avec le supplément d’investissement (énergies renouvelables, rénovation des bâtiments et les logements) qu’elle génère.