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Amérique : combien de millions de barils de pétrole ?

Les cours du pétrole évoluent en ordre dispersé. Les tensions géopolitiques et les velléités expansionnistes de Donald Trump entretiennent la volatilité du marché. Patrice Geoffron analyse les niveaux de risques qui, à terme, pourraient se retourner contre les Etats-Unis. 

Donald Trump a été élu sur un contenu politique dense en carbone et, depuis lors, développé avec constance sa vision d’une domination énergétique, les fossiles formant le vaisseau amiral de l’America First. Les Etats-Unis sont désormais le premier producteur de pétrole (devant l’Arabie Saoudite et la Russie), avec un niveau supérieur à 12 millions de barils/j et des imports de 6 millions/j, au plus bas depuis 1996. Selon la US Energy Information Agency, cette production pourrait atteindre les 18 millions de barils/j après 2020. Et, comme les Etats-Unis deviennent un acteur du gaz naturel liquéfié, D.Trump peut s’adonner à une rugueuse « diplomatie fossile ».


Fin 2018, il avait fustigé l’Allemagne, accusée d’entretenir une dépendance avec la Russie via le gazoduc Nord Stream II, enjoignant Angela Merkel à choisir le gaz US. Comme cette ferme préconisation était formulée lors d’un sommet de l’OTAN, et sur fond de négociation de droits de douane sur l’acier et l’aluminium, il est manifeste que cette « diplomatie fossile » n’est plus réservée à la coulisse.

Autre exemple, en avril 2019, lorsque le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a annoncé la fin des dérogations qui permettaient à huit pays (dont la Chine) d’acheter du pétrole à l’Iran. Comme ces flux représentent près de la moitié des exportations totales du pays, cette voie d’assèchement est radicale pour l’économie iranienne, sous réserve de respect de l’embargo. Dans un ordre d’idées voisin, les Etats-Unis observent le dépérissement du secteur pétrolier de son voisin vénézuélien sans craindre de contrecoup.

Cette diplomatie révèle les degrés de liberté stratégique d’un pays moins soucieux de sécurité d’approvisionnement depuis que, en 10 ans, le surgissement des gaz et pétrole de schiste lui a conféré un inespéré leadership dans le monde des hydrocarbures.

Une base électorale qui se crispe quand les prix à la pompe augmentent

Mais ces acrobaties avec les millions de barils ne sont pas sans danger pour les Etats-Unis et son président. Sa base électorale se crispe lorsque le prix à la pompe augmente, d’autant que les américains voient les infrastructures pétrolières partout dans leur environnement, et sont fondés à s’interroger sur l’intérêt d’une domination énergétique qui aboutirait à… des chocs pétroliers.

Pour contrer ce phénomène, Donald Trump s’en remet à l’Arabie Saoudite pour compenser les millions de barils iraniens et contenir les prix à des niveaux acceptables, ce qui est tout sauf acquis ; d’autant que la Russie est un autre acteur de ce « grand jeu » et n’a pas d’intérêt à réguler les prix à la baisse. Dans le même temps, le bras de fer commercial de Trump avec la Chine fait planer un risque d’effondrement des cours.

Le patron de l’Agence Internationale de l’Energie, Fatih Birol, estime que le marché du pétrole traverse une période d’incertitude et de volatilité sans précédent dans son histoire. Les sursauts du baril sont usants : pour les producteurs dont les équilibres socio-économiques sont précarisés, pour les importateurs qui s’efforcent d’accélérer leur transition énergétique par l’intermédiaire de taxes carbone dont l’acceptabilité est sapée par ces à-coups. Ce dont la France fait la douloureuse expérience.

Cette incertitude menace, plus insidieusement, les Etats-Unis dont le secteur pétro-gazier a expérimenté, en 2015 et 2016, une douloureuse période de prix bas (le baril jouxtant alors les 30$), et dont la pétrochimie a investi des dizaines de milliards à la rentabilité déterminée par l’accès au marché chinois.

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