La candidature de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine de novembre n’est pas encore déclarée mais semble inéluctable. Que se passerait-il sur les plans financier et monétaire si l’ancien président revenait aux affaires à Washington ? Christian de Boissieu analyse les éléments du scenario possible
L’objet de cette chronique n’est pas de prendre parti à propos de la future élection présidentielle américaine. L’idée est seulement d’évoquer quelques conséquences prévisibles en matière monétaire et financière de l’éventuel retour de Donald Trump à la Maison Blanche.
Pour la politique économique extérieure des États-Unis, il existe une forte continuité entre les républicains et les démocrates. Persistance du conflit commercial avec la Chine, ignorance de l’OMC (depuis Obama, les Américains n’ont pas désigné leur juge à l’Organe de règlement des différends), initiatives unilatérales et protectionnistes comme l’IRA, douce insouciance à l’égard du déficit extérieur « protégé » par les privilèges du dollar, attitude pour le moins cavalière vis-à-vis des grands-messes du G7 ou du G20…
Durcissement de commercial, énergétique et écologique
Si Donald Trump était à nouveau élu à la fin de l’année, il y aurait certes des inflexions. On pourrait s’attendre à un durcissement de la politique commerciale envers la Chine. Surtout, les États-Unis pourraient à nouveau sortir de l’accord de Paris comme ils l’avaient fait lors du premier mandat de Trump, ce qui serait au plan mondial une bien mauvaise nouvelle pour la transition énergétique et écologique, sa mise en œuvre et son financement.
Sur plan domestique, Trump II déciderait de nouvelles baisses d’impôts (tant pis pour le déficit budgétaire et pour les inégalités !) et relancerait la production d’énergies fossiles (tant pis pour le climat !). Ses principaux conseillers ont déjà ouvert un débat à propos de la Fed et de la politique monétaire qui mérite une attention spéciale.
Alors que Biden et son administration démocrate ont été jusqu’à présent respectueux de l’indépendance de la banque centrale, grâce probablement à la retenue de Janet Yellen, ancienne présidente de la Fed et actuelle Secrétaire au Trésor, Trump n’a pas arrêté pendant son mandat de s’en prendre à Jérôme Powell, président de la Fed depuis février 2018 et tout républicain qu’il soit. Cela n’a pas vraiment infléchi la politique de la banque centrale, qui a augmenté sept fois son taux directeur entre mars 2017 et janvier 2019. Durant le mandat de Trump, la Fed aura pratiqué deux années de resserrement monétaire (2017-2018), avant de connaître deux années de détente (2019-2020).
Équilibre des politiques budgétaires – monétaires
Depuis, il y a eu le rebond de l’inflation et le durcissement inévitable de la politique monétaire. Après plusieurs mois de stabilité du taux directeur, la Fed vient de laisser entendre que trois baisses pourraient intervenir d’ici fin 2024. On peut imaginer que si Trump revient, et avec lui les baisses d’impôts, la politique monétaire devra être vigilante, peut-être même restrictive dès 2025, pour « compenser » une politique budgétaire et fiscale qui serait alors nettement expansive.
En tout cas, le sujet occupe l’équipe de Trump, toujours revancharde à l’égard de Powell. Steven Moore, l’un de ses conseillers, n’y est pas allé par quatre chemins : « Nous avons besoin d’un nouveau président de la Fed qui soit pro-croissance, pour la stabilité du dollar et une faible inflation, ce que nous n’avons pas eu ces trois dernières années ». Comme si Powell était seul responsable des résultats économiques des États-Unis sous Biden. Des résultats d’ailleurs fort satisfaisants pour la croissance et l’emploi.
Alors que le mandat de Powell court jusqu’en février 2026, il est spécialement inélégant de chercher à le raccourcir via des pressions politiques incompatibles avec l’indépendance de la banque centrale. Déjà, des noms circulent pour le remplacer en cas de victoire républicaine. Tout cela est prématuré, d’autant plus que le Congrès dans sa future composition devra donner son aval aux nominations.
La politique monétaire n’agit pas que sur et via les taux d’intérêt. Elle a aussi un impact sur le taux de change. En 2017-2018, le dollar avait suivi les taux de la Fed à la hausse. En 2019, le mouvement restait parallèle mais à la baisse. En pratique, le taux de change du dollar dépend plus intensément de la politique de la Fed que de la politique budgétaire et fiscale menée par l’administration.
Des mesures de déréglementation
Si Trump revient, on peut s’attendre aussi à des mesures de déréglementation bancaire et financière, malgré la déconfiture de SVB et d’autres banques régionales de Californie en 2022-2023. Certes, ces défaillances bancaires sont intervenues sous Biden. Mais elles découlent en grande part des défauts de réglementation et de supervision inspirés par l’esprit et certaines mesures de Trump I. S’il revient, le candidat républicain en tirera-t-il les leçons ? Ou reprendra-t-il le chemin qu’il avait ouvert en remettant en cause une partie de la réforme bancaire de 2010 ? Les paris sont ouverts.
Une dernière illustration touche un domaine plus restreint mais hautement symbolique. Pour répondre à l’essor des crypto-actifs, les banques centrales, un peu partout dans le monde, préparent l’arrivée de leur monnaie numérique. Donald Trump a déclaré avec force que, s’il revient aux affaires, il mettra fin aux expérimentations de la Fed et du Trésor en vue de la création d’un dollar numérique. Car, à ses yeux, une monnaie banque centrale numérique risque, par son côté intrusif, de menacer les libertés et la protection des données personnelles. Dans un tel scénario, les autorités américaines devront regarder de près si le dollar, monnaie de réserve encore dominante, peut rester à l’écart d’un mouvement qui impliquerait l’euro, le yuan… Il en irait de l’avenir du rôle international du billet vert et, pour les États-Unis, des privilèges associés à ce rôle, tout spécialement l’extra-territorialité des règles américaines.