Le projet chinois de nouvelles routes de la soie fait débat en Europe. Le Vieux Continent doit-il saisir cette opportunité économique ou s’en méfier ?
Signer ou attendre ? Aller en avril 2019 à Pékin ? La Chine y invite 100 pays pour progresser ensemble sur les « nouvelles routes de la soie ». Cette politique est la plus importante stratégie mondiale en cours. C’est aussi la plus rapide et la plus coûteuse : les deux banques internationales qui la financent sont nées en 2012 et le projet est estimé à 1.000 milliards de dollars.
Les raisons économiques de ce projet sont de réduire de trois quarts les temps de transport entre les pays ainsi reliés, de trouver des sources d’énergie plus stables et moins dépendantes du pétrole (du Moyen-Orient) et de donner corps à l’Eurasie, de la Chine à… l’Allemagne, avec d’importants détours en Afrique.
La Chine veut connecter des lieux névralgiques pour surveiller ces routes.
Il se trouve que ces routes qui veulent ouvrir de nouvelles voies pour relier plus vite les économies, donc créer des marchés, ne passent pas par les Etats-Unis. Les échanges pourraient être réglés en monnaies nationales, pas nécessairement en dollars. En même temps, la Chine connecte des lieux névralgiques pour surveiller ces routes. C’est bien pourquoi Emmanuel Macron va à Djibouti, ancienne possession française où la Chine vient d’installer une base militaire, à côté des bases française (où sont hébergées des troupes allemandes et espagnoles), américaine, italienne, japonaise et saoudienne ! Rien de naïf, dans tout cela.
Réflexion européenne
Alors, signer un mémoire pour rejoindre ce Club, comme vient de le faire l’Italie , premier membre du G7 (sans en parler aux autres) ou attendre ? L’Europe n’est pas hostile, mais réfléchit : bravo ! Et nous, ici, craignons d’être achetés et pillés, après les vignobles bordelais, le Club Med, dans nos avancées technologiques et nos start-up.
Nous avons plus peur des 11 milliards d’euros d’investissements chinois (Hong Kong compris) que des 118 milliards américains. Mais peut-on rester la cinquième (ou sixième) économie d’un monde qui se restructure à grands pas sans avancer et risquer plus nous-mêmes ?
Le commerce international est autant ricardien que militaire : quand Ricardo proposait au Portugal d’être une puissance agricole et à l’Angleterre une puissance industrielle, souhaitons qu’il y pensât. Et aujourd’hui, la révolution de la communication est plus militaire qu’économique. Alors ?
Prophétie gaullienne
Il y a cinquante-cinq ans, le 27 janvier 1964, la France reconnaît la Chine de Mao. Le 31 janvier, le général de Gaulle expose ses raisons : « En nouant avec ce pays, cet Etat, des relations officielles, comme maintes autres nations libres l’ont fait auparavant, et comme nous l’avons fait avec d’autres pays qui subissent des régimes analogues, la France ne fait que reconnaître le monde tel qu’il est. » Cette même année, le Général note : « Il n’est pas exclu que la Chine redevienne au siècle prochain ce qu’elle fut pendant des siècles, la plus grande puissance de l’univers. »
Aujourd’hui, la Chine pèse plus de 12.000 milliards de dollars, les Etats-Unis plus de 19.000 et la France plus de 2.500. Bientôt, la prévision gaullienne se vérifiera. Alors, on peut toujours s’inquiéter de cette Chine qui s’éveille et s’oppose au leader du monde libre, ou bien des Etats-Unis plus violents avec elle et aussi avec ses alliés.
Fini, la belle croissance équilibrée et mutuellement avantageuse entre les deux géants avec la zone euro comme arbitre ! Et nous, allons-nous nous inquiéter des richesses que nous n’avons pas les moyens d’exploiter, par exemple notre espace maritime (le deuxième au monde), de nos savoir-faire sous-utilisés (par exemple en matière de calcul), de notre image de luxe et de tourisme (qui demande tant d’investissements), de nos PME et start-up en manque de ressources (qui pourraient nouer des relations avec des entreprises chinoises ou s’y installer, seules désormais) ?
Allons-nous passer à côté du marché chinois, soucieux de défendre le nôtre, ou développer des échanges économiques, culturels, scientifiques et linguistiques ? Allons-nous demander à la zone euro de traiter le problème, ou avancer seuls, en profitant de sa faiblesse passagère ?