La politique agricole commune (PAC) existait avant l’entrée du Royaume-Uni et perdurera après le Brexit. Mais le départ du trublion britannique en infléchit déjà défavorablement l’évolution.
Royaume-Uni et PAC entretiennent une relation difficile depuis près de soixante ans. La première demande d’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté économique européenne avait buté sur la question agricole, nourrissant le premier veto français de 1963. Avec son accession, le Royaume-Uni est devenu le troisième contributeur net au budget de la PAC après les Pays-Bas et surtout l’Allemagne, et cette question financière a empoisonné les relations avec le continent. Dans ces conditions, que signifiera le Brexit pour la PAC ?
En premier lieu, le Royaume-Uni est un marché important pour les agriculteurs de l’Europe continentale (9 % des exportations agricoles des 27), ainsi qu’un concurrent sur certaines productions. En augmentant les coûts au commerce (droits de douane, réglementations…) avec les 27, le Brexit aura des conséquences visibles pour les principaux produits agricoles traversant la Manche, pour l’essentiel issus de l’industrie agroalimentaire. Les principaux partenaires du Royaume-Uni – Allemagne, Pays-Bas et France – seront les plus impactés, ainsi que l’Irlande, en raison de sa situation géographique.
Au Royaume-Uni, ce seront les consommateurs britanniques qui paieront l’addition, non les producteurs vendant désormais à l’abri des frontières. Une étude récente du CEPII pour le Parlement européen prévoit une contraction de plus de 60 % des exportations de l’UE 27 à destination du Royaume-Uni en cas de hard Brexit, compensée en grande partie (à l’exception notable de l’Irlande) par des gains sur le marché européen, aux dépens des britanniques, pénalisés à l’extérieur par leur perte de compétitivité.
Quel financement ?
La deuxième question concerne le financement de la PAC. Pour les années 2019 et 2020, toutes les décisions ont été prises avant le vote sur le Brexit : elles engagent donc le Royaume-Uni au-delà de sa sortie de l’UE, pour un peu moins de deux ans. S’agissant de l’avenir de la PAC (2021-27), les réflexions ont été engagées depuis fin 2017, donc plus d’un an après le vote britannique en faveur du Brexit.
La Commission a fait ses propositions en juin 2018 : réduction de 5 % du budget en termes nominaux, plafonnement des aides au revenu, redistribution vers les petites exploitations, subsidiarité accrue dans l’application des instruments, aides accrues aux jeunes agriculteurs aujourd’hui victimes de la capitalisation des subsides de la PAC dans le prix du foncier, enfin durcissement des règles sanitaires. Sur un budget annuel de près de 60 milliards, l’absence de la contribution nette britannique aura un impact limité – de l’ordre de 3 % du budget.
Quelle orientation ?
Une dernière conséquence du Brexit pour la PAC concerne l’orientation générale donnée à l’intervention européenne. Le rapide recul de la biodiversité en zone rurale – dont un des marqueurs est le comptage des oiseaux par le Museum – contribue probablement au plafonnement des rendements agricoles. De ce point de vue, le Royaume-Uni, défenseur du second pilier et des aides environnementales de la PAC, nous manque déjà.
Sur la période 2014-20, les deux piliers de la PAC représentent quelque 400 milliards d’euros (38 % du budget européen), dont les trois quarts pour le soutien au revenu, le reste allant au second pilier : le développement rural (dont les aides environnementales). La volonté de simplification et de subsidiarité affichée par la Commission pourrait avoir des effets inattendus. Ainsi, la rotation des cultures sera laissée à discrétion des régions au sein des pays membres, dès lors que des objectifs globaux seront atteints au niveau national.
Plus généralement, les Etats-membres se verront dotés d’une marge de manoeuvre et d’outils leur autorisant un haut niveau d’exigence écologique, sans que l’on ait vraiment prévu de s’assurer que ces objectifs seraient effectivement poursuivis. Cette renationalisation du choix des instruments risque au final de relâcher le niveau d’exigence environnementale.