Télévision, radio, presse papier ou numérique, la majorité de la population consulte l’actualité sur plusieurs canaux, observe Françoise Benhamou.
Les états généraux de l’information mis en place par le Président de la République entament leur dernière phase de réflexion. Quelle est encore la place de l’information dans un univers saturé de messages, de vraies et de fausses nouvelles ? L’information est à la fois un bien public précieux et une source de méfiance et même de défiance, au point que certains s’en détournent. Les effets de marque qui permettaient de se référer à des programmes, des articles ou des journalistes fiables sont moins forts qu’autrefois, dans un univers où le « toutes les paroles se valent », nourri par les réseaux sociaux, tend à dévaloriser la qualité pourtant coûteuse du journalisme professionnel.
Les éditeurs de presse s’inquiètent du rétrécissement de la manne publicitaire, alors que les achats à l’unité tendent à disparaitre et que l’abonné n’est pas toujours fidèle. En France, selon l’Arcom, les recettes publicitaires collectées par les médias qui investissent dans l’information et la création, qui représentaient les 2/3 du marché publicitaire global en 2012, ont reculé à 40% en 2022 et devraient atteindre 28 % en 2030.
Appétit pour l’information
Pourtant, l’appétit pour l’information est loin d’avoir disparu. Une étude menée par le ministère de la culture montre que 73% de la population française âgée de 15 ans et plus s’informe quotidiennement, tandis que seulement 4% déclare ne jamais ou presque s’informer. La télévision puis la radio sont les médias les plus utilisés, et la presse, qu’elle soit papier ou numérique, arrive en troisième position. Les réseaux sociaux ne viennent qu’en quatrième position, utilisés pour s’informer par 28 % de la population mais 65% des 15-24 ans et 45 % des 25-39 ans. Quel que soit le canal préféré, la majorité de la population consulte l’actualité sur plusieurs canaux : 37 % des Français s’informent avec deux canaux, 25% avec trois canaux et un sur dix avec quatre canaux ou plus.
On a cru que des pureplayers comme Buzzfeed dessineraient une partie du futur. Aux Etats-Unis, si Vox Media résiste, l’heure est aux réductions d’effectifs chez la plupart de ces médias. Dans un article publié dans le New York Times intitulé « Des germes d’espoir dans un paysage médiatique morose », l’auteur s’intéresse à une poignée de médias numériques à but lucratif (tels Puck ou Semafor) qui jouent le jeu de la qualité, s’adressent à des publics ciblés, et dont les journalistes deviennent parfois les copropriétaires. Le modèle économique associe les revenus de la publicité, les abonnements payants plutôt coûteux à destination de publics aisés, et les événements sponsorisés. On retrouve ce journalisme de niche avec Punchbowl News, créé en 2021 par trois anciens journalistes de Politico, qui en compte à présent une trentaine, et qui couvre l’actualité du Congrès et de la finance avec des lettres et des rapports d’information gratuits ou payants.
Des deux côtés de l’Atlantique, avec maintes différences, le paysage se dessine autour de quelques grands médias publics et privés, pour lesquels les mouvements de concentration seront à observer de près, des pure players, et une hybridation chaque jour plus grande entre les différents canaux et supports. Et des phénomènes inattendus montrent que l’information peut encore séduire si elle sait s’adapter à une nouvelle demande, notamment de la part des jeunes. On pense en France par exemple au média créé par Hugo Travers, HugoDécrypte, avec ses 2,1 millions d’abonnés. Aux Rencontres d’Aix-en-Provence en juillet prochain, la question de l’information, de la pluralité des canaux et des modèles économiques sous-jacents sera au cœur des débats.