La crise sanitaire a mis en scène un Etat au fait de sa puissance. Omniprésent dans le quotidien de chacun, il a exercé son pouvoir discrétionnaire sur les libertés fondamentales, le droit de gagner sa vie, même les plaisirs simples de 67 millions de français pendant plusieurs semaines.
Paradoxalement, la politique n’a jamais aussi peu intéressé. L’abstention atteint des records inégalés et l’on peut devenir maire d’une grande ville de France avec les suffrages de 10% de ses habitants. Non seulement on ne se déplace plus mais on ne veut même pas en entendre parler, comme l’atteste le bon dans les audiences de TF1 lorsque dimanche à 21h15 la chaine a clôt la soirée électorale pour passer une rediffusion d’Astérix. Le processus semble même en voie d’intégration institutionnelle car on va demander à 150 personnes tirées au sort de définir la politique appropriée pour ce qui est présenté comme l’enjeu majeur de notre temps, l’environnement. On ne sait dès lors plus très bien à quoi sert le demi-million d’élus de France car manifestement leur avis ne compte pas.
Le processus démocratique devrait permettre d’exprimer des choix et de hiérarchiser des priorités, mais aujourd’hui le personnel politique assume sans vergogne l’omnipotence. Il y aura bien des différences d’un parti à l’autre, mais jamais sur la certitude en la capacité à résoudre tous les problèmes. Nous assistons en ce moment à un magnifique paradoxe : la crise économique qui se dessine est probablement la plus importante que chacun d’entre nous a connue dans sa vie et, pourtant, l’argent public n’a jamais semblé aussi abondant. On se perd dans le décompte des milliards annoncés presque quotidiennement pour telle ou telle action urgente.
Une frénésie s’est emparée de tous les secteurs économiques et sociaux et tous ont de bons arguments. Il faudra aider l’hôpital public, la police, le logement social. Mais aussi soutenir les entreprises, qui sans cette aide, pourraient licencier leurs salariés. Le gouvernement ayant déjà fort à faire avec tous ceux qui ne bénéficiaient pas d’un emploi stable au moment de la crise -les précaires, les jeunes- et dont il faudra repenser l’insertion. Il faudra aussi certainement une politique industrielle permettant la préservation d’activités stratégiques et le développement de nouvelles technologies, etc.
Ce tourbillon nous ferait presque oublier ce qui constituait depuis des décennies un pilier fondamental de tous les échafaudages de raisonnements économiques : la France rembourse ses dettes.
On aura beau avancer que la situation est inédite, que l’inflation est faible, que les taux sont nuls, etc. il n’en reste pas moins que s’endetter est coûteux à terme. Même avant l’échéance du remboursement, il faudra faire avec une moindre confiance en l’euro et une solvabilité dégradée des Etats Européens. Cette crédibilité financière acquise après des décennies d’efforts budgétaires a été cruciale pour faire face à la crise car elle rend les conditions d’emprunt très avantageuses.
Mais elle s’effritera et il est fort probable que les cigales aborderont la prochaine crise dans une mauvaise posture. On ne peut pas faire comme si la situation que nous vivons actuellement ne reproduira plus et que, une fois passée la tempête, tout redeviendra comme avant. Il serait très dommageable qu’après la crise sanitaire devenue économique et sociale suive une crise des dettes souveraines. Et n’oublions pas qu’il ne faut jamais croire que « cette fois, c’est différent ».