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La retraite est un patrimoine qu’il faut évaluer

La généralisation du calcul du patrimoine retraite permettrait aux travailleurs de mieux comprendre le système et d’ouvrir la discussion sur des pistes d’évolution novatrices, défend Hippolyte d’Albis.

Notre système de retraite est presque toujours présenté et discuté sous l’angle des finances publiques. Il y a les recettes du système, auxquelles contribuent essentiellement les actifs et leurs employeurs ; et ses dépenses, qui bénéficient aux retraités. Dès lors, tout déséquilibre financier du système est compris comme devant être compensé par l’un ou l’autre, engendrant une opposition stérile entre les générations.

Il serait à la fois plus constructif et plus utile de penser notre système de retraite par répartition comme un patrimoine que l’on accumule au cours de la vie active, et dont le rendement dépend de la réussite économique de la génération suivante.

Il s’agit bien sûr d’un patrimoine virtuel, qui repose sur des institutions et la confiance qu’on leur accorde. Mais cette caractéristique ne le distingue pas d’un autre patrimoine financier, tel qu’un portefeuille composé d’actions ou d’obligations.

« Il est cocasse de constater que les Français disposent d’un patrimoine considérable gagé sur leur durée de vie.

»

Hippolyte d’Albis

Sa spécificité repose sur le fait que les revenus générés par ce patrimoine s’éteignent avec son propriétaire, exactement comme tout produit financier à rente viagère. Il est d’ailleurs cocasse de constater que les Français, qui seraient spontanément horrifiés à l’idée de vendre en viager leur bien immobilier, disposent en fait d’ un patrimoine considérable gagé sur leur durée de vie.

450.000 euros

Peut-on évaluer un tel patrimoine ? Oui : à partir du profil d’emploi d’une personne, il est facile de déterminer la pension de retraite qui lui sera versée. En France, le droit à l’information retraite garantit, depuis 2003, la diffusion de ce calcul à tous.

Le patrimoine se conçoit alors comme la valeur à date de toutes les pensions qui seront versées dans le futur. L’évaluation dépend donc de l’évolution des paramètres du système et de la durée de vie de la personne, que l’on ne connaît pas bien sûr, mais que l’on approxime avec des tables de mortalité.

En 2020, un excellent rapport de France Stratégie avait évalué que le patrimoine retraite des générations proches de la liquidation de leurs droits représentait près de 450.000 euros. Ce patrimoine retraite étant non seulement nettement plus élevé que leur patrimoine privé moyen (inférieur à 290.000 euros) mais aussi distribué beaucoup plus équitablement au sein de la population.

La généralisation du calcul du patrimoine retraite permettrait aux travailleurs de mieux se rendre compte de l’avantage qu’engendrent leurs contributions au système. Elle permettrait aussi d’ouvrir la discussion sur deux pistes d’évolution, qui ne sont actuellement pas pensées en France.

Injustice des divorces

La première concerne la possibilité, à la liquidation des droits, de choisir entre une rente viagère versée toute au long de la vie (comme c’est le cas actuellement) ou un capital versé une fois pour toutes. La Suisse offre ce choix dans le cadre du second pilier de son régime de retraite avec un taux de conversion entre la rente et le capital qui est défini par la loi.

Libre alors à ceux qui choisissent la sortie en capital de placer leur argent comme bon leur semble. La mise en place de cette option permettrait d’introduire certains avantages d’un régime par capitalisation sans changer fondamentalement notre système.

La seconde piste concerne le partage des droits à la retraite d’un couple qui se sépare. Ce qui était autrefois anecdotique est aujourd’hui significatif car près d’un tiers des femmes de plus de 50 ans sont divorcées. Dans le régime matrimonial le plus courant, les deux membres d’un couple qui divorce se partagent tout le patrimoine qu’ils ont accumulé lorsqu’ils étaient mariés… à l’exception du patrimoine retraite qui n’est pas évalué.

Ceci peut être considéré comme injuste notamment pour les couples où l’un exerce une activité rémunérée pendant que l’autre se charge des tâches familiales et domestiques.Partager les droits à la retraite accumulés pendant la vie commune peut paraître iconoclaste, mais c’est pourtant ce que font les Allemands (de l’Ouest) depuis 1977. Ce serait une façon simple et rationnelle de réduire les inégalités entre les femmes et les hommes en matière de retraite.


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