Suspendue depuis début décembre avec la crise des « gilets jaunes », la concertation avec les partenaires sociaux sur les retraites reprend lundi 21 janvier. Philippe Trainar décrypte les questions soulevées par les ambitions du président de la République pendant la campagne pour l’élection présidentielle.
Le débat sur la réforme de notre système de retraites dure depuis maintenant plusieurs mois. Faut-il s’en inquiéter ? Pas nécessairement car, pour la première fois en France, un gouvernement est décidé à mener une consultation digne de ce nom, une consultation où les dés ne soient pas pipés par avance.
Certes, les limites de l’exercice sont claires : il s’agit de dessiner « un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé » (programme de campagne d’Emmanuel Macron). Il ne s’agit donc pas de raccommoder l’existant, et encore moins de discuter de la légitimité de principes alternatifs.
A priori, l’objectif emporte avec lui quelques implications immédiates et concrètes pour la négociation. De fait, telle que définie ci-dessus, la réforme ne doit porter que sur la partie contributive du système. Ceci ne veut pas dire que la solidarité doive être ignorée mais que sa prise en compte doit, a priori, se limiter à son articulation avec la mise en œuvre du nouveau système. En outre, le principe du nouveau système est, quant au fond, un principe d’équité (« un euro cotisé donne les mêmes droits ») et non un principe d’égalité (il faut rapprocher les niveaux de pension dès aujourd’hui et pour le futur). Ceci veut dire que la réforme ne doit pas conduire à une négociation sur les effets redistributifs mais sur l’ajustement des droits à retraite, à la réalité des efforts réalisés individuellement, en termes de travail et de cotisations.
Force est cependant de constater que la négociation n’a pas vraiment pris ce chemin. Les analyses du Haut-commissariat se sont concentrées sur la description de l’existant, se contentant le plus souvent de poser des questions assez générales sur la réforme et prenant soin de ne pas proposer de solution. Contre toute attente, elles ont privilégié une présentation où le terme de référence n’est pas le principe nouveau mais l’existant, comme si celui-ci constituait la norme indépassable. Ceci les a conduits à accorder une place excessive aux questions d’inégalités, de redistribution et de solidarité, aux dépens des questions d’équité.
De même, une question aussi fondamentale que celle de savoir ce que l’on entend par « les mêmes droits » a été jusqu’ici laissée de côté : s’agit-il des mêmes droits en termes de niveau de retraite annuelle, ce qui poserait un problème d’équité, ou des mêmes droits en termes de versement total des retraites sur la durée de vie espérée en retraite, ce qui est cohérent avec la neutralité actuarielle ? Ou la question de la signification de la notion de « système universel » : s’agit-il d’un régime unique, d’une fédération de régimes etc. ? Ou, encore, la question de la soutenabilité financière du nouveau système et des nouvelles règles d’évolution qui seront mises en place, ainsi que la question de la résilience du système aux chocs extrêmes économiques, financiers, démographiques, sanitaires etc. A l’instar de ce qui est demandé aux assureurs qui offrent des produits de retraite.
Ces questions sont centrales pour le débat. Elles définissent le champ précis de la négociation qui n’a clairement pas commencé. La cohérence avec le principe directeur de la réforme exclut, a priori, comme on l’a vu, de nombreux points de la négociation.