La question des prix du logement, anormalement élevés en France, n’est pas nouvelle. Pour Alain Trannoy, il existe plusieurs solutions simples, dont on entend peu parler, qui seraient bien plus efficaces qu’un blocage des prix.
Les avis de tempête se multiplient quant à la baisse de l’investissement en logement, avec un repli attendu de 3% pour 2023. L’envolée du coût des matériaux, de l’énergie, la hausse des taux d’intérêt, renchérissent l’investissement et font redouter une contraction encore plus marquée sur le marché de la construction neuve. Que les ménages différent leur investissement en logement n’est que la réaction normale que l’on peut attendre d’un agent économique suite à une hausse du coût de cet investissement. Une fois de plus, le secteur fait appel à l’Etat pour limiter les dégâts en matière d’activité économique, alors que celui-ci cherche des pistes d’économie. Agir sur le levier du foncier permet de concilier ces deux objectifs, en apparence contradictoires.
La France occupe une position singulière à ce sujet. En dépit d’une densité de population parmi les plus modestes d’Europe, le prix de la terre constructible est multiplié par un facteur 30 par rapport au prix de la terre agricole. Que l’on songe au département de la Creuse, un département qui figure depuis longtemps en queue de peloton quant à la cherté des terrains. Le prix du m² carré de terrain agricole coûte environ 0,3€ l’hectare, le prix du m² de terrain de loisir non constructible 1€, et le prix du terrain constructible non emménagé au moins 10€ le m². Les chiffres restent modestes, mais le coefficient multiplicatif interroge.
« Bloquer le thermomètre n’a jamais guéri le malade »
Face à ce foncier constructible rare et cher en particulier dans et au pourtour des métropoles, les appels au blocage des prix des terrains se multiplient. Il reste déconcertant pour un économiste que la solution la plus ignorante des mécanismes économiques fondamentaux soit encore proposée, sans chercher à comprendre les ressorts du phénomène. Bloquer le thermomètre n’a jamais guéri le malade.
Il faut comprendre que le détenteur de chaque terrain est dans une position de monopole local. Par définition, tout autre terrain aura une autre localisation. Et restera donc un substitut imparfait. Le vendeur d’un terrain est donc bien placé pour arriver à extraire la quasi-totalité du surplus de la transaction, c’est-à-dire à proposer un prix qui soit proche du prix maximum qu’un acheteur est disposé à payer. De plus, la fiscalité des plus-values foncières incite le vendeur à attendre. Le taux de l’impôt décroît en fonction de la durée de la détention. Cela augmente encore le pouvoir de négociation du propriétaire du terrain. Transformer la législation fiscale sur ce sujet serait un jeu d’enfant, il suffirait de rendre le taux de l’impôt progressif en fonction de la durée de détention. Cela affaiblirait la position de négociation du vendeur. Et cela risque de rapporter plus dans les caisses de l’Etat.
Étendre le cadre du bail réel solidaire
Un second levier possible est d’étendre le bail réel solidaire, réservé jusqu’ici au logement social, au logement intermédiaire. L’acquéreur reste propriétaire des murs, mais n’est plus que locataire du sol sous-jacent pour lequel il paye un loyer. En contrepartie, le coût de l’opération ne comprend plus la charge foncière avec à la clé une économie de 30% en moyenne, permettant ainsi de resolvabiliser des primo-accédants et donc de soutenir le marché de la construction neuve. Bien sûr, le terrain doit pouvoir être acheté en leasing à la faveur de conditions économiques plus favorables.
Sans bourse délier, l’Etat a ainsi les moyens, au travers de ces deux mesures simples, d’amoindrir les effets du cycle économique, tout en permettant d’accompagner les ménages dans leur parcours résidentiel.