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Faut-il corriger le déficit public ?

Face à un déficit public français qui dépasse les prévisions et met en lumière des perspectives économiques plus contraignantes que celles escomptées, Patrick Artus identifie les quatre pistes de politique budgétaire envisageables et ce qu’elles supposent.

Le déficit public de la France a atteint 5,6% du Produit Intérieur Brut en 2023.

Si on utilise une prévision de croissance raisonnable, pour la période 2024-2027, on parvient à 0,8% de croissance annuelle en moyenne, alors que le gouvernement français comptait sur 1,5% de croissance moyenne sur ces quatre années. Il va en résulter un déficit de niveau de PIB de 1,8% par rapport au niveau prévu, et donc un déficit public en 2027 compris entre 4% et 4,5% du PIB et non de 2,7% comme il était initialement escompté par le gouvernement.

La question importante qui va alors se poser est : faut-il corriger cet excès de déficit public (le déficit public initialement prévu était de 4,9% du PIB en 2023 et 4,4% du PIB en 2024), qui va atteindre probablement environ 1,5 point de PIB en 2027 ?

Quatre pistes de politiques budgétaire

Nous pensons que quatre pistes de politique budgétaire sont disponibles a priori : accepter la hausse du déficit public ; la combattre par une baisse des dépenses publiques ; la combattre par une hausse des impôts ; réagir par une modification de la structure des dépenses publiques.

Certains mettront en avant le niveau faible de l’écart de taux d’intérêt à 10 ans entre la France et l’Allemagne (44 points de base) ou l’exemple des États-Unis (où le déficit public s’est élevé à 7,5% du Produit Intérieur Brut durant l’année fiscale 2023) pour défendre l’idée qu’il n’y a pas besoin de réduire le déficit public. Cette stratégie nous paraît très dangereuse : avec les données présentes, le taux d’endettement public augmenterait de 3,5 points par an, ce qui serait rapidement insupportable.

Réduire les dépenses publiques

La deuxième piste de politique budgétaire est alors de réduire les dépenses publiques suffisamment pour ramener le déficit public au niveau souhaité (2,7% du PIB en 2027), et la troisième piste est d’accroître la pression fiscale, toujours pour corriger le déficit public.

Le premier problème avec ces deux politiques est qu’elles réduisent la croissance ; de ce fait, il faut réduire les dépenses publiques de 2 points de PIB ou accroître la pression fiscale de 2 points de PIB par an, après prise en compte de l’effet sur la croissance pour réduire le déficit public de 1 point de PIB. Cela signifie que, si ces politiques sont mises en place, la croissance de la France sera ramenée de 0,8% par an entre 2024 et 2027 à 0%, il y aurait une stagnation sur 4 ans de l’activité.

Le deuxième problème avec ces deux politiques est que la réduction des dépenses publiques porte naturellement surtout sur les dépenses d’avenir (Recherche-Développement, éducation, aide à la réindustrialisation, transition énergétique) et la hausse des impôts sur des impôts dont la baisse avait rendu la France plus compétitive (avec la flat tax sur les revenus du capital, la suppression de l’ISF).

Miser sur l’avenir

On peut donc penser que ni la baisse des dépenses publiques, ni la hausse des impôts ne sont des politiques qu’il faut adopter pour corriger les déficits publics de la France.

Il reste une dernière piste : progressivement, sans générer de choc brutal, augmenter le poids des dépenses d’avenir (Recherche-Développement, aide à la transition énergétique ou aux relocalisations, dépenses d’éducation et de formation professionnelle) et réduire le poids des dépenses de protection sociale (retraite, santé, indemnisation du chômage) dans le total des dépenses publiques.

Utiliser la stimulation de l’offre de biens et services et non la contraction des dépenses publiques ou la hausse de la fiscalité pour réduire le déficit public permet que ce soit l’amélioration de la croissance qui soit à l’œuvre pour réduire le déficit public et non la contraction des dépenses publiques et donc celle de l’activité. Cette politique de substitution des dépenses d’avenir aux dépenses de protection sociale est de plus favorable du point de vue de l’équité intergénérationnelle.

 


 

Patrick Artus, Membre du Cercle des économistes, Conseiller économique, Natixis

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