Alors que s’enchaînent des crises de toute nature, nos sociétés se transforment en profondeur sous l’effet de la technologie, de la démographie et de l’environnement. Pour cesser de subir, nous devrons changer de paradigme. Mais comment poser les premiers éléments de ce rebond ? Afin d’en distinguer les contours et dessiner quelques perspectives, ce Cahier réunit les contributions de neuf auteurs. Trois sujets en émergent, pour lesquels ces experts formulent de nombreuses propositions : apaiser nos sociétés pour leur permettre de débattre sereinement de leur avenir, investir massivement dans l’éducation et la formation de tous et rebâtir le tissu industriel français.
Cet ouvrage est le quatrième tome d’une série de quatre Cahiers des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence, suivant la logique qui structure le programme des 23ᵉ Rencontres : Dissiper les incertitudes, Recréer les espoirs, Faire des choix, Amorcer les rebonds.
Cette série de Cahier est publiée en collaboration avec la revue L’Hémicycle.
Sommaire
- Les sociétés humaines, l’économie et l’évolution, par Pascal Picq
- Pour un débat d’idées sur l’immigration, par Philippe Lemoine
- Recréer les conditions d’une société apaisée, par Françoise Benhamou
- Réinventer le travail, par Marylise Leon
- Imposer une mixité sociale à l’école ?, par Elisabeth Moreno
- Mettre un terme au phénomène des NEETs, par Nathalie Chusseau
- L’importance majeure des compétences et de la qualité de l’éducation, par Patrick Artus
- Réindustrialisation : pourquoi la France a tout pour réussir ?, par Augustin de Romanet
- Faire renaître l’industrie grâce à l’innovation, par Nicolas Dufourcq
- Espoir et modernités, par Philippe Lemoine
Introduction par Jean-Hervé Lorenzi
Le monde, l’Europe, la France sont confrontés à des transformations auxquelles personne aujourd’hui ne sait apporter de réponse claire. Alors on parle de transitions, ce qui permet d’étaler dans le temps ce poids des doutes, des incertitudes, des impuissances et tout simplement des incompréhensions. Ces transitions sont au nombre de trois, d’importance égale même si, selon les moments, on a tendance à mettre en avant l’une ou l’autre.
La seule qui soit réellement quantifiable, mais tout aussi imprévisible dans ses effets, c’est la transition démographique, qui nous plonge dans un ensemble de complexités. Quel sera le niveau de la dépendance ? Comment assurer le bien-être des populations vieillissantes ? Faut-il adoucir les conditions du départ ? Y a-t-il un problème intergénérationnel ? A chacune de ces questions, chacun a ses réponses. Une seule chose est sûre, c’est que l’insertion et le maintien sur le marché du travail sont clés et que jamais il ne faut y opposer jeunes et vieux, ce qui – et c’est la seule certitude – serait à l’origine d’un conflit irréparable. La seconde transition, celle dont on parle aujourd’hui le plus, c’est la transition écologique, au sujet de laquelle on voit poindre cette vieille pensée millénariste. Nul doute que les risques soient majeurs. La succession de COP sans effets satisfaisants ne peut qu’inciter à une seule volonté, celle d’agir. Enfin, il y a cette transition numérique, qui retrouve toute sa virulence à travers le développement de l’intelligence artificielle et qui permet aux économistes de s’ébattre dans leur terrain de jeu favori, celui du chômage technologique. Quant aux sociologues, ils rappellent à raison que jamais le monde ne fut confronté à une telle explosion de la solitude, celle de chacun d’entre nous confronté à des objets qui nous donnent le sentiment terrifiant de nous échapper.
Alors, que savons-nous de ces trois transitions ? Rien, ou si peu. Cela ne nous empêche pas d’inlassablement nous exprimer sur ces thèmes, de proposer des solutions souvent inapplicables et surtout de nous dissimuler le fait que ces trois transitions, tout aussi importantes les unes que les autres, vont rentrer en collision. Chacune d’entre elle représente entre 50 et 100 milliards d’euros par an pour un pays comme la France. Évidemment, il est impossible d’imaginer que l’on puisse, sans bouleverser nos systèmes budgétaires et fiscaux, financer ces montants. Alors nous traitons les thèmes pris isolément et parfois, pris de lucidité, nous comprenons que cette convergence unique dans le temps de trois chocs d’une telle nature ne peut que transformer radicalement nos sociétés, ce que l’on appelle un changement de paradigme.
C’est exactement ce que nous avons tenté de faire dans ce dernier volet des Cahiers des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence 2023. Après avoir déclaré notre optimisme, Recréer l’espoir, nous devions imaginer ce que pouvaient être les tout premiers éléments d’un rebond. Mais encore fallait-il essayer d’en comprendre les contours pour, à partir de cela, dessiner quelques perspectives. Sur ce point-là, l’objectif est atteint. Restons modestes, nous n’y sommes pas pour grand-chose. Mais chacun des articles de ce Cahier est l’incroyable porteur des germes d’une réflexion sur ce que pourrait être notre avenir. Rarement la réflexion n’a été posée à un tel niveau conceptuel que dans ces dix articles, témoignant de l’incroyable difficulté à saisir les mouvements en cours et à formuler des pistes d’actions à mener, à défaut de trouver une trajectoire pour chacune des transitions. En faisant cela, nous avons ouvert le débat sur les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence 2024, qui se veulent en parfaite continuité avec l’édition précédente : 2024, relier les mondes.