" Osons un débat éclairé "

Le dialogue social doit accompagner la transformation du travail

Les partenaires sociaux ont un rôle clef à jouer en contribuant à une meilleure adaptation des marchés du travail.

La tentation protectionniste de nombreux pays, la montée en puissance des extrémismes politiques ou encore la méfiance de l’opinion publique vis-à-vis de la finance sont autant de signes que la mondialisation ne parvient plus à convaincre de ce qu’elle peut apporter au citoyen.

Face à ce sentiment de défiance, et  dans un contexte de montée des inégalités, la réponse ne peut pas être qu’économique. La croissance et le retour au plein-emploi doivent s’accompagner d’un volet social fondé sur le dialogue. Ce dialogue peut et doit commencer dans les entreprises afin de partager les exigences de la mondialisation et les enjeux du progrès technologique – leurs risques mais aussi leurs bénéfices. Or, en France comme dans de nombreux pays, le dialogue social est menacé et devra s’ajuster et se réinventer (*).

Economie interconnectée et interdépendante

Les partenaires sociaux ont pourtant un rôle clef à jouer en contribuant à une meilleure adaptation des marchés du travail, en facilitant le passage d’un emploi à un autre, en sécurisant les parcours professionnels ou en s’assurant que les salariés actualisent leurs compétences dans un monde du travail en pleine mutation.

A l’heure d’une économie interconnectée et interdépendante qui se transforme en profondeur, ils peuvent aussi aider les plus petites entreprises à promouvoir un dialogue social gagnant-gagnant qui promeut les emplois de qualité tout en contribuant à l’amélioration de la productivité grâce à une meilleure flexibilité. Au niveau mondial, un dialogue social « global » peut également contribuer à réduire les inégalités en mettant en avant les bonnes pratiques et les codes de conduite responsable.

Affaiblissement du dialogue social

Le dialogue social doit lui aussi faire face à ces tendances globales. Dans de nombreux pays des réformes ont contribué à décentraliser de plus en plus la négociation collective alors que, sur le terrain, il n’y a pas toujours quelqu’un avec qui négocier. Et alors que la coopération et le dialogue entre gouvernements et partenaires sociaux deviennent plus que jamais indispensables, les taux de syndicalisation ont été pratiquement divisés par deux en moyenne dans la zone OCDE, passant de 30 % en 1985 à 16 % en 2016. Quant aux taux de couverture conventionnelle, ils sont également en baisse, passant de 45 % à 32 % sur la même période.

Plusieurs facteurs ont contribué à cet affaiblissement du dialogue social : la mondialisation et le déclin du secteur manufacturier, les changements technologiques et organisationnels, mais aussi le développement de nouvelles formes d’emploi, flexibles et « atypiques », le marché des plates-formes, etc. Dans de nombreux pays il existe parfois trop peu de marge de manoeuvre au niveau de l’entreprise pour réellement discuter, car l’essentiel est décidé ailleurs, soit dans la loi, soit au niveau des branches professionnelles. La négociation collective reste alors l’apanage des grandes entreprises et des salariés les mieux lotis.

Représenter les indépendants

Pour survivre, le dialogue social devra évoluer, et peut-être se réinventer aussi, afin de mieux refléter les préoccupations et les configurations particulières des « outsiders », petites entreprises, salariés titulaires de contrats atypiques, des indépendants, etc.

De telles initiatives existent : ainsi le syndicat allemand IG Metall a développé une antenne pour les travailleurs des plates-formes. D’autres modèles apparaissent également, telles les coopératives qui regroupent des travailleurs indépendants et leur fournissent des services (par exemple, la coopérative belge SMart).

La France est ainsi sur le point d’introduire des chartes pour mieux protéger les travailleurs indépendants. L’intervention des pouvoirs publics restera indispensable pour accompagner ces évolutions et mettre en place, avec les partenaires sociaux, les cadres juridiques nécessaires à la revitalisation du dialogue social pour tous les types d’entreprises et pour toutes les formes de travail.

Stéphane Carcillo est  membre du Cercle des économistes et chef de la division emploi et revenus à l’OCDE
Sandrine Cazès est économiste senior à l’OCDE.

(*) Retrouvez le débat « Quelles mutations du dialogue social dans le monde de demain » dans le cadre des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence le samedi 7 juillet 2018, en présence des ministres française et suédoise du Travail.

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