" Osons un débat éclairé "

Papy-boomers, un poids sur les économies ?


Coordination : Pierre Boyer, membre invité du Cercle des économistes

ContributionsBruno Angles, AG2R La Mondiale, Magda Tomasini, Institut National d’études démographiques


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Propos introductif de Pierre Boyer, membre invité du Cercle des économistes

« Les papy-boomers, un poids sur les économies ? ». Nous avons la chance d’avoir deux intervenants qui, de par leurs expériences et leurs postes actuels, vont nous donner des pistes pour répondre à cette question.

Tout d’abord Magda Tomasini, Directrice de l’Institut National d’études démographiques. Institut qui est notre observatoire français qui coordonne les recherches en démographie. Puis Bruno Angles qui est Directeur général d’AG2R LA MONDIALE. Compagnie qui accompagne individus, professionnels et entreprises dans les étapes importantes de la vie et leader français des groupes de protection sociale en 2022.

Synthèse

En 2050, une personne sur six aura plus de 65 ans sur Terre, rapporte Magda Tomasini. En France, les prévisions sont d’une personne sur quatre. Si la France est globalement plus jeune que la plupart des pays européens, elle est caractérisée par des territoires inégalement marqués par le vieillissement. L’exemple des Antilles est édifiant, impactées à la fois par la baisse de fécondité des femmes et la migration des jeunes actifs vers la métropole. Ces tendances créent un double déséquilibre démographique et social. Les femmes souffrent particulièrement de la situation, nombre d’entre-elles étant amenées à s’occuper seules de leurs enfants et de leurs parents. Face à ces déséquilibres, il faut préconiser une politique sociale globale. En termes économiques, le niveau de vie des plus de 60 ans est proche de celui des actifs. Ces derniers ont un pouvoir économique important en termes de consommation, d’investissement et d’aide aux jeunes générations. Le soutien intergénérationnel et associatif dont ils sont la source est malgré tout difficile à mesurer. La politique d’accompagnement du vieillissement représente un enjeu financier important. D’après la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES), la dépendance représentera environ 2 % du PIB à horizon 2060, contre 1 % en 2014. Il s’agit d’un sujet récurrent qui touche plusieurs branches des politiques publiques (sécurité sociale, allocations familiales, etc.).

Il convient de prendre conscience que nous sommes à l’aube d’un choc démographique majeur, affirme Bruno Angles. La vague provoquée par le baby-boom il y a maintenant 75 ans n’a sans doute pas été suffisamment anticipée et ses effets, combinés avec l’allongement de la vie, nous mettent face au défi le plus important auquel nos générations doivent faire face, avec celui du climat. Malgré tout, une société au sein de laquelle coexistent quatre générations n’est pas nécessairement négative et il n’est pas question d’accabler une population qui a permis de grands progrès dans la société. Il peut s’agir de renforcer le lien et la solidarité intergénérationnels, à condition d’apporter des solutions à l’enjeu du bien vieillir. Nous avons encore la capacité d’agir rapidement sur le défi démographique. D’une part, il est nécessaire de sonner la mobilisation générale pour déployer des solutions multiples sur le plan de la formation, de la valorisation des aidants professionnels et intra familiaux, des infrastructures collectives (résidences services sénior) et privées (diagnostic d’adaptation du logement), ainsi que sur le plan financier avec des outils tels que le plan d’épargne retraite ou la monétisation partielle du patrimoine des séniors. D’autre part, la génération des baby-boomers doit accepter le fait qu’elle a légué deux dettes, financière et écologique, aux générations suivantes. Au nom de la justice intergénérationnelle, il serait important pour les plus de 60 ans de trouver des solutions pour financer leurs propres besoins de bien vieillir et de dépendance.

Face au sentiment du public d’un déni de la valeur des personnes âgées au sein de la société, ainsi que face à l’émotion suscitée par les récentes enquêtes sur les structures EHPAD, les intervenants précisent que leur propos n’est pas de rendre une vision négative du vieillissement. Bruno Angles appelle à ne pas généraliser les résultats d’une enquête qui concerne un acteur particulier du bien vieillir et observe l’importance pour chacun d’assumer ses responsabilités sectorielles. Les transitions qui doivent être opérées du point de vue démographique et climatique ne sont pas incompatibles. En outre, ce serait une erreur de penser que ne pas faire d’enfant résoudrait les questions climatiques alors que cela aggraverait les problématiques démographiques. Il s’agit de répondre à ces deux grands défis dans le même temps.

Points forts du débat

  • Magda Tomasini fait le constat d’un phénomène aux conséquences sociales globales, Bruno Angles met quant à lui l’accent sur la notion de justice intergénérationnelle.
  • Les deux intervenants réfutent le terme de « poids pour les économies » en ce qui concerne les personnes âgées, rappelant que les papy-boomers jouent un rôle important au sein de la société, socialement et financièrement.

Propositions

  • Instaurer une politique sociale globale et non uniquement à destination des personnes âgées, en particulier dans des territoires marqués par les inégalités qui souffrent du vieillissement de leur population de multiples manières (Magda Tomasini).
  • Répondre à l’enjeu du bien vieillir en provoquant la mobilisation générale d’un panel d’acteurs publics et privés et en engageant de multiples solutions, notamment en matière d’infrastructures et de financement (Bruno Angles).

Inviter les papy-boomers à trouver des solutions au sein de leur génération pour financer une partie de leurs propres besoins (Bruno Angles).

 

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