" Osons un débat éclairé "

Pour réformer l’école, commençons par la culture

En matière d’éducation, les classements internationaux se suivent et se ressemblent pour la France, pointant un fort déterminisme social et une dégradation des performances. Que faire ? Créer des mesures envers les enfants de milieux modestes, revoir la carte scolaire, revaloriser le métier d’enseignant… Nathalie Chusseau formule ses propositions.

Depuis vingt ans, la corrélation entre le milieu socioéconomique et la performance scolaire des élèves de 15 ans est bien plus forte en France que dans la plupart des autres pays de l’OCDE. Selon l’enquête Pisa de 2022, le statut socio-économique en France prédit 21 % de la variation des performances des élèves en mathématiques (15 % en moyenne dans l’OCDE), et 17 % de la variation en compréhension de l’écrit (13 % en moyenne).

Dans le même temps, ce fort déterminisme social s’accompagne d’une dégradation des performances des élèves dans l’ensemble des disciplines fondamentales évaluées (compréhension de l’écrit, culture mathématique et culture scientifique).

Des résultats catastrophiques pour la France

En matière de compétences scientifiques, l’étude TIMSS qui mesure le niveau des élèves de CM1 et de 4e en mathématiques et en sciences tous les quatre ans depuis 1995, fait état de résultats catastrophiques pour la France. En mathématiques, le score moyen a baissé de 47 points en 1995 et 2019.

La France se caractérise également par une mobilité sociale intergénérationnelle d’éducation qui tend à diminuer, et par un sous-investissement chronique dans l’éducation primaire qui ne permet pas d’atténuer les différences culturelles initiales liées à l’origine familiale.

Enfin, la cartographie française des écoles et des collèges selon leur indice de position sociale montre une concentration d’enfants de milieu modeste au sein des mêmes établissements, et de surcroît au sein de communes ou quartiers à faible revenu.

Les compétences pour moderniser les entreprises

Cette situation est évidemment problématique à plusieurs égards. D’abord, notre capacité d’innovation et notre industrie ne peuvent progresser sans compétences scientifiques. Un faible niveau de compétences empêche les entreprises de se moderniser par manque de salariés qualifiés et ne permet pas de se préparer aux transitions numériques et énergétiques.

En obérant les chances de réussite des enfants de milieu modeste, la société se prive de talents indispensables. En effet, les compétences jouent un rôle central dans l’innovation, la réindustrialisation, l’adaptation à la globalisation, la croissance et le plein-emploi. Ensuite, cela semble une évidence, mais il n’y a pas d’avenir sans une formation de qualité pour les jeunes, afin de leur permettre de s’insérer pleinement et durablement dans la société, et de faire face aux défis qui les attendent.

Le système éducatif doit se réformer. Avant de se focaliser sur les savoirs à transmettre, il faut enseigner aux élèves qui ne les possèdent pas les compétences nécessaires à leur acquisition, à savoir les prérequis culturels.

Favoriser la mixité sociale

Il faut ainsi instaurer dès le plus jeune âge des politiques d’éducation ciblées sur les enfants de milieu modeste. C’est ce qu’ont fait l’Allemagne, la Pologne et le Portugal dans les années 2000, ce qui a conduit ces pays à sensiblement améliorer la performance scolaire de leurs élèves tout en réduisant le déterminisme social.

Ces mesures doivent s’accompagner d’une augmentation des dépenses publiques allouées à l’éducation primaire, et d’une réduction du nombre d’élèves par classe, pas seulement dans les zones d’éducation prioritaire où cette politique a montré son efficacité, mais également dans tous les quartiers où se concentre une population d’origine modeste.

La carte scolaire doit tenir compte de la géographie sociale des quartiers afin de favoriser la mixité sociale et valoriser les effets de pair. La mixité sociale doit par ailleurs être développée dans les établissements privés. Enfin, le métier d’enseignant doit être revalorisé. C’est une évidence et nous en débattrons lors des prochaines Rencontres économiques d’Aix-en-Provence.

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