Après la dégradation de la note de la France par l’agence de notation Fitch (de AA- à A+), il faut s’interroger sur le risque de déclenchement d’une crise de la dette publique en France.
Un certain nombre d’économistes et d’hommes politiques pensent qu’une crise violente des finances publiques peut se déclencher en France assez rapidement. L’argument est que les investisseurs vont s’inquiéter de ce que le déficit public (5,4 %) du PIB en 2025 ne sera réduit que lentement et de ce que le taux d’endettement public de la France (104 % du PIB au second trimestre 2025) continuera à augmenter.
Un effort nécessaire gigantesque pour stabiliser le taux d’endettement public
En effet, l’effort nécessaire de réduction du déficit public qui stabiliserait le taux d’endettement public est gigantesque. Puisque le taux d’intérêt à long terme (le taux d’intérêt à 10 ans est aux alentours de 3,50 %) est supérieur à la croissance nominale de long terme (2,5 % environ, 1 % de croissance en volume et 1,5 % de hausse des prix), il faudrait passer à un excédent budgétaire primaire (hors intérêts sur la dette) pour stabiliser le taux d’endettement public. L’excédent budgétaire primaire nécessaire serait de 1,1 % du PIB, alors qu’en 2025, la France a un déficit budgétaire primaire de 3,2 % du PIB.
La réduction du déficit public devrait donc être de 4,3 % du PIB (130 milliards d’euros), ce qui est inconcevable pour des raisons économiques (l’effet récessif d’une telle réduction du déficit) et politiques (le rejet par les partis politiques et par l’opinion d’une telle contraction des dépenses publiques ou d’une telle augmentation de la pression fiscale).
Pour mesurer la taille de la réduction du déficit public nécessaire pour stabiliser le taux d’endettement public, on peut d’abord comparer les économies de dépenses fournies par la non-indexation des dépenses sociales (retraites, santé, famille…). Si l’inflation est de 1,5 % par an, cette non-indexation réduit les dépenses publiques de 0,5 point de PIB chaque année (2,5 points de PIB au bout de 5 ans), soit 56 % de l’effort nécessaire et réduit le pouvoir d’achat des prestations sociales, toujours au bout de 5 ans, de 7,5 %.
On peut aussi la comparer à la Taxe Zucman (taxer à 2 % les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros, en déduisant de la taxe les autres impôts payés ), qui rapporterait de 0,5 à 0,7 point de PIB soit de 11 à 15 % de l’ajustement nécessaire.
Les investisseurs réalisant que le taux d’endettement public va continuer à augmenter assez rapidement arrêteraient, d’après certains, d’acheter de la dette française, ce qui déclencherait une crise violente.
Mais la France ne peut pas faire défaut
La probabilité que la France fasse défaut sur sa dette publique est nulle puisqu’un défaut de la France impliquerait l’effondrement de l’euro et probablement sa disparition. Le scénario le plus probable est donc un scénario de dépréciation continuelle de la signature de l’Etat français, pas un scénario de défaut ou de crise grave de la dette souveraine. On doit donc s’attendre à la poursuite de l’écartement des spreads de taux d’intérêt vis-à-vis des autres pays européens (aujourd’hui 80 points de base vis-à-vis de l’Allemagne et 22 points de base vis à vis de l’Espagne), mais pas à une crise brutale.
A un certain moment dans le futur, le taux d’intérêt à long terme payé par la France deviendra si élevé que la France devra demander pour se financer l’aide de la Banque Centrale Européenne. Celle-ci pourra déclencher le Transmission Protection Mechanism, c’est à dire acheter de la dette publique française, mais ses achats seront réalisés sous la condition que la France prenne des mesures pour stabiliser en quelques années son taux d’endettement public : la politique correctrice ne pourra plus venir de la France elle-même, mais elle sera imposée par la BCE.
Une détérioration lente de la signature de la France suivie d’un ajustement imposé par l’extérieur
On ne verra donc probablement pas une crise brutale de la dette publique de la France mais plutôt une détérioration continue de la signature de la France, accompagnée d’une dégradation de la notation de la France par les agences de rating, qui se terminera, dans plusieurs années, par un appel au soutien de la BCE.
Ce soutien sera accompagné d’une demande de réduction des dépenses publiques. Rappelons que les dépenses de protection sociale sont 5,8 points de PIB plus élevées en France que dans l’ensemble de l’Union européenne (2,7 points de PIB pour les retraites, 1,7 points de PIB pour la santé, 0,9 point pour la famille et les aides au logement ..)