" Osons un débat éclairé "

Système de retraite en France : que se passe-t-il si on ne change rien ?

Réforme des retraites, comment sortir de l’impasse ? Le président de la République et son Premier ministre n’ont plus que quelques semaines pour trouver une solution, avant la présentation de la réforme en Conseil des ministres mercredi 24 février. Patrick Artus explique quelles seraient les conséquences d’une réforme non aboutie, voire inexistante.

Supposons que, malgré le vieillissement démographique, on ne change aucun des paramètres présents du système de retraite public en France (âge de départ à la retraite, niveau des retraites, conditions pour obtenir une retraite complète) ; ces paramètres varient aujourd’hui, par exemple par la sous-indexation des retraites sur les salaires : nous supposons qu’ils ne varient plus. Supposons aussi que le taux d’emploi des actifs ne varie pas.

On voit alors que le poids des retraites publiques dans le PIB passerait de 13,8% aujourd’hui à 18,4% en 2040. Si le mode de financement des retraites est toujours le même, le prélèvement sur les salaires des actifs pour financer les retraites passerait de 26 points à 35 points.

Ceci pose deux questions. Qu’en pensent les jeunes, les futurs actifs ? Comment gérer le problème de compétitivité-coût avec les autres pays de la zone euro ?

Supposons donc qu’aucun des paramètres du système de retraite ne soit modifié en France. Figer les paramètres du système de retraite en France aujourd’hui ne correspond pas à une prévision à l’absence de réforme, par exemple parce que la sous-indexation des retraites sur les salaires réduit en tendance la générosité du système. Supposons donc qu’on gèle les paramètres du système de retraite à leur niveau présent. Supposons aussi que le taux d’emploi des actifs ne varie pas (il est de 76% pour les 20-59 ans), ce taux d’emploi déterminait le niveau des cotisations au système de retraite. Le niveau des retraites par rapport au salaire d’activité resterait à son niveau de 2019, c’est-à-dire un peu plus de 70% ; l’âge de départ à la retraite resterait le même (il conduit aujourd’hui à un taux d’emploi des 55-59 ans de 73%, le même que dans les autres pays de la zone euro, à un taux d’emploi des 60-64 ans de 32% contre 48% dans le reste de la zone euro).

Quelle serait alors l’évolution du poids des retraites si on gèle ainsi les paramètres du système de retraite ? La proportion de retraités par rapport aux actifs cotisants va augmenter d’un tiers de 2019 à 2040 avec le vieillissement démographique. Si tous les paramètres du système de retraite restent inchangés, et si le taux d’emploi des actifs reste inchangé, on voit alors que le poids des dépenses publiques de retraite dans le PIB passerait en France de 13,8% aujourd’hui à 18,4% en 2040. Il est aujourd’hui de 10% dans les autres pays de la zone euro. Compte tenu du poids des salaires dans le PIB, le prélèvement sur les salaires des actifs passerait alors de 26% à 35%.

Ceci pose deux questions. D’abord, les jeunes sont-ils d’accord avec cette évolution ? Acceptent-ils une pression fiscale beaucoup plus élevée pour eux-mêmes pour avoir dans le futur une retraite élevée et longue ? Le minimum serait de les consulter sur ce point. Ensuite, que se passe-t-il si les autres pays de la zone euro stabilisent le poids des retraites dans le PIB, au niveau présent (10% du Produit Intérieur Brut) ? Comment la France maintient-elle alors sa compétitivité-coût ? Peut-elle rester dans l’euro si elle fait un choix très différent des autres pays de la zone euro en ce qui concerne les paramètres du système de retraite ?

Le problème est renforcé par le mode de financement des retraites en France. L’écart entre les poids des retraites en France et dans les autres pays de la zone euro (4 points de PIB) correspond à l’écart entre le poids des cotisations sociales des entreprises en France et dans le reste de la zone euro, et affecte donc la compétitivité-coût des entreprises.

Le débat sur les retraites a été mal posé en France. Il aurait fallu d’abord expliquer les coûts (pression fiscale en hausse sur les actifs, les jeunes, dégradation de la compétitivité-coût) de l’absence de réforme. Ensuite, il aurait fallu avoir un débat transparent sur les pistes de correction du système de retraite : générosité du système, ou âge de départ à la retraite, ou encore poids des cotisations sociales.

 

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