Que cela touche à l’éducation des plus jeunes ou à la formation professionnelle des actifs, il est hélas connu et à déplorer que la France figure en position peu favorable dans les classements internationaux. C’est notamment le cas de l’enquête PIAAC de l’OCDE qui mesure les compétences des adultes et où la France est 13ᵉ, ou de l’enquête PISA qui porte sur les compétences des enfants et où la France est 12ᵉ.
Patrick Artus affirme que ces scores ne sont pas corrélés au montant absolu des dépenses d’éducation, qui sont parmi les plus élevées de l’OCDE. En outre, le débat sur l’efficacité du système éducatif français s’est fait d’autant plus vif à l’issue des émeutes de juin 2023, et alors même que le défi de la réindustrialisation se pose et que des actions sont mises en œuvre pour y faire face.
Il est d’autant plus important de pointer et de répondre au faible niveau constaté des jeunes Français en mathématiques et en sciences si l’on veut répondre par l’éducation au projet de réindustrialiser le pays. Une réponse forte en la matière permettra par ailleurs de restaurer les gains de productivité de la France, qui sont tendanciellement en baisse. La formation professionnelle doit ainsi être étendue à l’ensemble des actifs, y compris les moins qualifiés, le modèle éducatif doit être plus participatif et les professeurs doivent être mieux payés.
1 – La France a un problème de compétences et d’efficacité du système éducatif
Dans l’enquête PISA de l’OCDE portant sur les compétences des enfants, le rang de la France est mauvais et ne s’améliore pas (tableau 2).
Enfin, dans l’enquête TIMMS, portant sur le niveau en mathématiques et en sciences des enfants de CM2 et de 4ème, la France se classe très loin des pays où le niveau des enfants dans ces matières est le plus élevé (tableaux 3 et 4).
Pourtant, les dépenses d’éducation ne sont pas particulièrement faibles en France (tableau 5). Seuls la Belgique l’Australie la Finlande et le Royaume-Uni, parmi les pays de l’OCDE, dépensent pour l’éducation (en pourcentage du PIB) davantage que la France.
Il y a donc un problème structurel, et non seulement un problème de moyens derrière ce bas niveau d’éducation des adultes et des enfants en France.
2 – Le débat sur les compétences et l’éducation ressort aujourd’hui dans le débat public
Le débat sur les compétences et la faible qualité du système éducatif ensemble est ressorti dans le débat public à l’occasion des émeutes de juin 2023, en conséquence du débat sur la réindustrialisation et de celui sur les disparités des gains de productivité.
Il est naturel de relier le débat sur les causes des émeutes de juin 2023 à l’analyse des échecs du système éducatif. Le nombre de jeunes déscolarisés et sans emploi est encore de 15% en France, même s’il a reculé depuis quelques années avec l’amélioration de la situation du marché du travail et le développement de l’apprentissage, alors qu’il n’est que de 10% en Allemagne (graphique 1), de 8% aux Pays-Bas et de 12% en Suède, par exemple.
Ces jeunes qui n’ont aucune qualification sont nombreux à être happés par les trafics de tous genres et peuvent se révéler violents à l’occasion. La France a l’ambition de redresser son industrie, d’attirer des emplois et des investissements industriels sur son territoire. Effectivement, la France est un des pays les plus désindustrialisés de l’OCDE (graphiques 2 et 3).
Mais le faible niveau du système éducatif, et particulièrement le faible niveau en mathématiques et en sciences des jeunes Français, sera un handicap sévère pour une réindustrialisation.
Ce faible niveau se double d’une faible proportion de jeunes Français étudiant les sciences à l’université et dans les écoles d’ingénieurs (tableau 6).
Cette faiblesse des compétences explique aussi très probablement le retard dans la robotisation de l’industrie en France (graphique 4). Enfin, la faiblesse des compétences (des adultes et des jeunes) explique probablement une partie du recul des gains de productivité (graphiques 5a/5b).
On passe de gains de productivité de l’ordre de 20% par an dans les années 1980 à un recul de la productivité de 3,4% entre la fin de 2019 et la fin de 2022. Cette perte de productivité va générer une grande difficulté à réduire les déficits publics, ainsi que faire apparaître un conflit ou sur la répartition des revenus entre les salariés actifs et les retraités.
3 – Quelle politique pour redresser les compétences des adultes et des jeunes ?
On sait à peu près quelles politiques il faudrait mener pour redresser les compétences des adultes et des jeunes. D’une part, généraliser la formation professionnelle qui ne profite essentiellement qu’aux plus qualifiés (seulement 15% des salariés les moins qualifiés bénéficient d’une formation professionnelle durant leur vie). D’autre part, changer les techniques éducatives. Sortir du modèle magistral d’éducation, qui ne bénéficie qu’aux élèves les plus brillants, pour adopter un modèle participatif, où les élèves essaient en petit groupe de résoudre les questions qui leur sont posées, et où le maître n’intervient qu’en dernier ressort lorsque les élèves ne trouvent pas la solution. L’adoption de ce modèle, par exemple par la Finlande, a donné partout de très bons résultats.
Enfin, rendre les professions de l’éducation attractives en payant mieux les enseignants (tableau 7) et en réduisant le poids des personnels non enseignants.
Il faut absolument attirer, en particulier, des scientifiques de bon niveau dans les professions de l’éducation.