Gouvernance, financement, modernisation et régulation. Une réforme d’ampleur s’impose pour sortir l’audiovisuel public de l’ornière.
Réformer l’audiovisuel public ? C’est à la fois un serpent de mer et une nécessité, un sujet sur lequel chacun a un avis, une affaire de famille et de politique publique. Commençons par le plus décrié, le coût. 4,5 milliards d’euros tous domaines confondus, dont 2,55 pour France Télévisions, c’est à la fois beaucoup et pas tant que cela en regard de l’effort consenti par nos voisins britanniques et allemands.
Tandis que des études menées en Allemagne et au Royaume-Uni ont montré la force de l’attachement citoyen à l’audiovisuel public, qui reste assimilé à un certain niveau de qualité, en France le bateau tangue et la réforme s’impose dans quatre directions : gouvernance, financement, modernisation, régulation.
Une gouvernance qui impose des synergies
Que l’on s’achemine vers un seul établissement ou que l’on conserve des composantes indépendantes, l’important est qu’elles travaillent de concert. Un exemple : à l’heure où les médias radio et télévision se rapprochent (la radio se visionne en vidéo), certaines matinales, plutôt pauvres séparément, gagneraient à fusionner. L’imposition d’un travail en commun pourrait donner lieu à un système de bonus malus, les coopérations vertueuses se traduisant par une petite hausse de la part du budget global de l’audiovisuel public.
Un président nommé par un « board », à la manière de la BBC, responsable de sa politique et prêt à une évaluation multicritère (audimat, certes, mais surtout qualité des programmes, capacité d’innovation, place donnée à la culture, etc.) pourrait orchestrer cette nécessaire coopération.
Chercher d’autres financements
La redevance est relativement faible (139 euros en France, 215 en Allemagne) ; on peut la doper en élargissant l’assiette, compte tenu des nouveaux modes de visionnage (téléphone, tablette, etc.).
En revanche, ponctionner plus encore les opérateurs télécoms (qui s’acquittent de la taxe Copé), parce qu’ils distribuent des chaînes publiques dans leurs offres d’abonnement, est contre-productif si l’on veut donner la priorité aux investissements permettant la connexion de tous à un débit satisfaisant.
Moderniser l’offre
La migration des usages vers l’Internet est un fait, le téléspectateur s’affranchissant de la grille de programmes pour puiser sur des plates-formes les émissions qu’il entend regarder, à l’heure qui lui convient. Le nombre de chaînes importe donc moins que l’enrichissement des plates-formes entre lesquelles se joue la compétition : s’il faut conserver une chaîne de qualité, destinée à tous les publics, il convient de discuter le maintien de plusieurs chaînes de service public.
Une plate-forme représentant les territoires, dialoguant avec les usagers, proposant une offre riche et diverse, semble bien plus convaincante. Elle suggérerait des cheminements, des découvertes dans les fonds de catalogue, des playlists et opérerait pour cela un usage vertueux du Big Data. La fusion des rédactions radio, Web et télévision participerait alors de la construction de ce média global.
Réguler autrement l’audiovisuel
Le paradoxe est que l’on réglemente ce que l’on peut et laisse l’immense territoire du Net voler de ses ailes sans entraves… Le CSA a vieilli, dans ses missions comme dans le périmètre de ses attributions, et la régulation de la télévision semble obsolète en regard des transformations du paysage audiovisuel.
Perdant la nomination des présidents, pouvant transférer la charge de l’attribution des fréquences à d’autres acteurs publics, il lui resterait des missions éthiques et de régulation des contenus. Quelle doit être demain l’autorité chargée de ces questions fondamentales ? La question est ouverte.
Quant à Arte, malgré un audimat croissant mais toujours faible, elle a su répondre à deux défis de taille : devenir le laboratoire de la création et de l’innovation, et apparaître, tout en demeurant franco-allemande, comme une véritable chaîne européenne qui se déploie en six langues. A l’heure où l’Europe est si malmenée, cette singularité est à préserver et à conforter.