Dans un contexte d’incertitude, et à moins de 3 mois du premier tour de l’élection présidentielle, la gestion de la crise sanitaire, les questions d’identité et de sécurité dominent le débat politique. « Le débat sur les politiques économiques n’a donc pas lieu, puisqu’aucun candidat ne s’est encore avancé de manière engagée sur la moindre thématique. Aucun ne prendra le risque d’évoquer le quoiqu’il en coûte d’Emmanuel Macron », selon Hippolyte d’Albis, président du Cercle des économistes.
Le Cercle des économistes demande donc que les candidats à l’élection présidentielle débattent, dans les mois à venir, de 20 questions principales articulées autour de 7 thématiques. « Autant de questions qui méritent un débat, qui se poursuivra en période post-électorale également, à travers le thème des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence 2022 : « Réussir les transformations du Monde », qui se tiendront les 8, 9 et 10 juillet prochains », annonce Jean-Hervé Lorenzi, président des Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence.
Sommaire
Revoir la conférence de presse en replay
Découvrir les 20 questions aux candidats
Les moments forts de la conférence
Revoir la conférence de presse du Cercle des économistes
20 questions, 7 thématiques : un appel aux candidats
Le Cercle des économistes formule 20 questions aux candidats, articulées autour de 7 thématiques prioritaires. « Notre objectif, avec nos 20 questions posées aux candidats, est de les appeler à avoir un véritable discours économique », selon Jean-Hervé Lorenzi.
La jeunesse. Comment re-socialiser les 1,5 million de NEETS ? Comment autorise-t-on les jeunes à avoir l’accès au logement ? Est-ce que et comment le revenu d’engagement couvrira l’ensemble des jeunes ?
Le pouvoir d’achat. Quelle est votre stratégie d’augmentation des bas salaires ? Comment améliorer les rémunérations des infirmières et professeurs ? Avez-vous l’intention d’augmenter les impôts ? Faut-il rouvrir le dossier de l’impôt sur le capital ?
Les retraites. Jusqu’où doit-on repousser l’âge de départ à la retraite ? Pour la retraite à taux plein, faut-il s’appuyer sur des annuités ou un âge minimum ?
La réforme de l’État. Avez-vous une idée précise des conditions de sortie du « quoi qu’il en coûte » ? Avez-vous une trajectoire de réduction du déficit public ? Comment réorganiser la santé ? Comment réorganiser l’éducation ?
La réindustrialisation. Dans quels secteurs faut-il réindustrialiser la France ? Comment financer les investissements nécessaires pour la relocalisation et pour la transition climatique ? Comment améliorer l’utilisation de l’épargne des ménages pour l’économie française ?
L’environnement. Faut-il maintenir le mix énergétique tel qu’il a été décidé ?
L’Europe. La BCE doit-elle remonter ses taux ? Faut-il un salaire minimum européen ? Faut-il une nouvelle tranche d’investissement de NextGenEU, en complément des 750 milliards d’euros ?
La jeunesse au cœur du débat
Les 15-29 ans représentent 17% de la population. Dans une société vieillissante, leur impact sur la croissance est un enjeu économique majeur. Pourtant, leur insertion économique et sociale en France est un échec. Particulièrement touchés par la pauvreté (20% d’entre eux sont sous le seuil de pauvreté, contre 15% de la société française), ils sont également 1,5 million à être désocialisés, un record parmi les pays développés.
Pour Nathalie Chusseau, membre invitée du Cercle des économistes, « la question du développement et du maintien des compétences ainsi que de la formation m’apparaît essentielle au débat. Aujourd’hui en France, 1 jeune sur 7 fait partie des NEETs (les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation). Quel gâchis ! L’enjeu déterminant pour le pays, avec un coût de 22 milliards d’euros, et un manque à gagner correspondant à un gain de croissance de 0,4 point de PIB. »
La jeunesse doit donc, pour Jean-Hervé Lorenzi, « être le fil conducteur des décisions économiques d’avenir ». Pour cela, le Cercle des économistes adresse trois questions aux candidats à l’élection présidentielle : Comment re-socialiser les 1,5 million de NEETs ? Comment autorise-t-on les jeunes à avoir l’accès au logement ? Le revenu d’engagement couvrira-t-il l’ensemble des jeunes ?
« La France n’a pas les moyens des investissements qu’elle doit faire »
C’est ainsi que Patrick Artus résume la problématique macroéconomique posée aux candidats aujourd’hui. En effet, la France « ne produit pas assez de revenus », alors que « nous allons avoir un énorme besoin d’investissement, que ce soit sur la modernisation des entreprises, notre système de santé ou encore pour financer la transition énergétique ». Non des moindres, ce dernier investissement atteindra 4,2% du PIB pendant les 30 prochaines années (soit 100 milliards d’euros par an pendant 30 ans), comprenant notamment la décarbonation des transports, l’isolation des bâtiments…
« La réflexion qui doit structurer le débat aujourd’hui est celle du redressement productif : doit-il passer par la mobilisation de la jeunesse, l’accélération des compétences pour augmenter la part des fameux « good jobs », la numérisation des entreprises ?… Lançons l’échange ! »
Podcast | « Présidentielle 2022. Les questions économiques posées aux candidats. » avec Patrick Artus
Environnement : « le degré zéro du débat »
Patrice Geoffron, membre du Cercle des économistes, s’étonne de « la très grande absence des problématiques énergie et environnement dans la campagne. Mis à part le match nucléaire-éolien, force est de constater aujourd’hui que l’on est au degré zéro du débat. » Face à l’urgence climatique et avec les objectifs fixés par l’Europe dans son plan « Fit for 55 », « nous avons devant nous une décennie d’accélération et de défis climatiques, et les concitoyens sont les premiers à vouloir y participer ! »
A rebours d’un discours qui promet « du sang et des larmes » sur la transition énergétique, Patrice Geoffron pointe au contraire « une opportunité de croissance en plus : la possibilité de réduire notre dépendance au gaz et au pétrole et de s’extraire des crises régulières et incontrôlables de prix sur ces marchés. » Les actions et politiques mises en œuvre au niveau européen ont, « contrairement à nos a priori, des impacts locaux directs, sur la qualité de l’air notamment, sur le fait que la transition devient un facteur d’attractivité industrielle, grâce à une proportion croissante d’entreprises qui ont pris des engagements et décarbonent leurs chaines logistiques. La France a ses atouts ! » Mais la question sociale est indissociable de la question écologique. Comment accompagner les 5 millions de ménages en situation de précarité énergétique ?
Changer d’angle sur l’immigration
Très présente dans le débat politique, l’immigration reste abordée uniquement sous l’angle identitaire. Cette vision, réductrice, fait l’impasse sur ses aspects économiques. Pour Emmanuelle Auriol, membre du Cercle des économistes, « le marché du travail en France est sous tension, les besoins en recrutement se font sentir autant sur des métiers non qualifiés que qualifiés. Faire appel à la main d’œuvre étrangère, y compris pour les métiers qualifiés, fait partie des solutions qui pourraient être envisagées. Elle est d’ailleurs appliquée dans d’autres pays, qui jouissent d’une meilleure attractivité et en tirent les bénéfices : un quart des brevets déposés aux Etats-Unis le sont par des immigrés. Autre exemple, l’Allemagne compte 60% d’immigrés de l’Union européenne contre 30% pour la France. L’immigration économique ne représente que 9% des motifs dans l’Hexagone. »