" Osons un débat éclairé "

Une protection sociale pour le XXIe siècle


Retrouvez sur le même sujet la note de Philippe Trainar « Repenser les fondements de la protection sociale en France« , publiée dans le cadre de l’opération Relançons le débat économique.


 

La situation de la protection sociale française n’est pas brillante. Vantée par ses dirigeants comme succès unique au monde, elle est le plus souvent présentée dans le reste du monde comme l’exemple des erreurs à ne pas commettre. Qu’en est-il vraiment ? La protection sociale française s’est progressivement transformée en immense pompe à redistribution, pleine de boursouflures, aux dépens des assurances sociales. Frappée d’obésité, elle vieillit à crédit, avec une dette qui atteint voire dépasse 300 milliards d’euros, soit 13% du PIB , une fois inclut le déficit abyssal de 30 milliards d’euros des régimes de retraite des fonctionnaires (déficit corrigé des pseudo-cotisations employeurs de l’État, qui ne sont autres que des subventions d’équilibre comme le montre Sophie Bouverin dans un récent article de la revue Commentaire ).

Mais, comme dans le roman d’Oscar Wilde, « Le Portrait de Dorian Gray », les responsables veulent se masquer l’enlaidissement du portrait de la protection sociale que nous décrivent pourtant tous les rapports qui se succèdent. La malédiction se poursuit jusqu’à l’élection présidentielle où les concurrents font assaut de nouvelles dépenses non contributives avant de penser à pérenniser le système.

Séparons l’assurance et la redistribution sociale

La maladie qui ronge la protection sociale française vient du mélange des genres entre l’assurance et la redistribution. Ce mélange des genres paralyse la protection sociale et la transforme en une « statue du commandeur » rongée par la dette et l’impéritie. Le mélange de l’assurance et de la redistribution associe en effet deux logiques économiques contradictoires, qui devraient être gérées indépendamment l’une de l’autre. La logique de l’assurance est fondée sur la prévoyance combinée à la prévention, tandis que celle de la redistribution est fondée sur l’imprévoyance combinée à l’incitation à travailler. Les incitations de l’une font le désastre de l’autre. Les hommes politiques et les responsables devraient donc, en priorité, s’interroger sur la pertinence de ce mélange des genres qui prévaut dans la protection sociale française et qui se fait aux dépens de sa dimension assurantielle.

Une fois séparés ces deux piliers de la protection sociale, il est possible de concevoir des modalités de gestion optimale pour chacun d’entre eux. La responsabilité de la redistribution devrait être intégralement remise au pouvoir régalien. Les partenaires n’ont pas de rôle à y jouer. Leur intervention peut même se révéler contre-productive. Inversement, la responsabilité de l’assurance sociale devrait être intégralement remise aux partenaires sociaux, quitte à ce que ceux-ci en sous-traitent une partie aux assureurs privés, à l’exclusion de toute interférence régalienne, si ce n’est sous la forme d’un contrôle prudentiel. Les hommes politiques et les responsables devraient alors s’interroger sur la pertinence de mettre les différentes caisses en concurrence afin de les inciter à l’efficacité et à l’innovation. L’objectif serait de mettre fin à des années d’immobilisme et de complaisance en faveur de solutions centralisées sans lien avec la réalité des expositions individuelles aux risques.

Normalisation de la gouvernance hospitalière

Parallèlement, et dans le même esprit, les hôpitaux, qui constituent l’un des principaux postes de dépenses des assurances sociales, pourraient bénéficier d’une « normalisation » de leur gouvernance, ce qui ouvrirait la possibilité d’évolutions organisationnelles plus efficientes et de négociations avec les caisses pour le plus grand bénéfice des assurés. Ceci permettrait aussi de mettre fin au processus de prolétarisation des professions de santé.

Encore faut-il que le remodelage de la protection sociale soit abordé dans la campagne électorale des présidentielles puis des législatives. C’est là la responsabilité historique des hommes politiques, des fonctionnaires qui les conseillent et des économistes, qui ont tous trois en partage la recherche du bien commun.

 


 

Philippe Trainar, membre du Cercle des économistes, professeur titulaire de la chaire assurance du Conservatoire national des arts et métiers.

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